Les ensembles À bout de souffle et Avant l’incendie viennent de présenter leur nouveau spectacle musical et théâtral autour de l’opéra de Claudio Monteverdi, L’Orfeo. Leur délirante relecture de ce chef-d’œuvre considéré comme le premier opéra de l’histoire de la musique a réjoui le public nombreux et conquis qui a assisté à cette série de représentations mémorables.

Choristes et spectateurs accueillis en ouverture du spectacle – Photo Classictoulouse
C’est sous la forme d’une invitation aux noces d’Orfeo et Euridice (en italien dans le texte), sous-titrées » Mourir peut attendre », qu’ont été annoncées ces festivités pour lesquelles il était recommandé de se faire beaux et belles. Célébré dans la sublime chapelle des Carmélites, ce mariage solennel est précédé, en particulier lors de ce 1er octobre, par l’accueil des invités sur le parvis de la voisine et imposante Bibliothèque municipale. Les commentaires souriants animent les conversations entre invités et acteurs-chanteurs vêtus et chapeautés avec imagination… Le spectacle aurait-il déjà commencé ?

Orfeo (Pierre Barret-Memy) et les musiciens – Photo Classictoulouse
Lorsque la chapelle s’ouvre enfin, le public occupe les bas-côtés de la nef occupée par un vaste dispositif de déambulation des acteurs et chanteurs. L’action peut alors commencer. Chanteurs et musiciens lancent une habile transposition de la partition de Claudio Monteverdi, légèrement condensée et adaptée aux instruments réunis. Si clavecin, théorbe et viole font le lien avec l’instrumentarium d’origine, saxophone, accordéon, batterie viennent actualiser, épicer, en quelque sorte, la partition. La Toccata d’ouverture donne le ton solennel du drame.

Orfeo portant le corps d’Euridice – Photo Classictoulouse
Les principales scènes de l’œuvre se succèdent, mêlant le chœur, les instruments et les solistes sous la direction précise et passionnée de Stéphane Delincak, directeur musical de l’ensemble À bout de souffle. De son côté, Victor Ginicis, leader de l’ensemble Avant l’incendie, règle une mise en scène au cordeau. Les chanteurs solistes s’intègrent avec talent dans la dramaturgie. On découvre ainsi notamment Pierre Barret-Memy (Orfeo), Julie Mathevet (Messagiera), Camille Suffran (Euridice, mais également violon). Chacun incarne son personnage avec conviction et déploie un chant élaboré, exigeant et sans concession. Soulignons en particulier la virtuosité et l’intensité dramatique développées par Pierre Barret-Memy dans l’aria redoutable « Possente spirto », défi lancé par Orfeo au dieu des enfers. A ce propos, les trouvailles de mise en scène et d’éclairage imaginées pour ce spectacle culminent dans cette apparition du dieu des enfers, Caronte (Charon). Sa stature de géant impressionne au plus haut point !

Orfeo face à Caronte, dieu des enfers – Photo Classictoulouse
L’intégration du chœur, aussi bien musicalement que dramatiquement, constitue en outre un atout majeur dans le déroulement du spectacle. La belle diversité des costumes colorés ajoute encore au caractère d’actualisation de cette transposition d’une imagination débordante.
Les retrouvailles finales des deux amants résonnent comme la meilleure des nouvelles pour l’ensemble des interprètes… et du public ! Un public qui salue la performance avec une ovation unanime.
Souhaitons à cette collaboration réussie des deux ensembles réunis de se prolonger au-delà des quatre représentations données cette fois.
Serge Chauzy
une chronique de ClassicToulouse