Alors que les travaux de rénovation du complexe cinématographique de Labège, anciennement Gaumont, aujourd’hui Pathé, se terminent, nous avons souhaité faire le point sur ce vaste chantier. Et qui mieux que Sébastien Lieury comme interlocuteur, son Directeur d’Exploitation depuis quatre ans pour répondre à nos questions ? Ce rockeur dans l’âme, et même plus, diplômé de l’Université de Bourgogne en management des entreprises culturelles, est tombé par hasard dans le cinéma. Convaincu et même charmé par cet univers, Sébastien décide de s’y consacrer et se fait adopter par le circuit Pathé. C’est lui qui, entre autre, programme ses 14 salles en collaboration avec le service programmation du Siège de Pathé. Assurer la bonne exploitation quotidienne du complexe est sa priorité, tout en y apportant, dit-il le grain de folie qui me caractérise.
Rencontre.

Sébastien Lieury © Vincent Bousserez
Culture 31 : Le complexe cinéma Pathé de Labège est en pleine rénovation.
Sébastien Lieury : L’année 2026 va fêter les 30 ans du Pathé Labège. C’était l’occasion de lui donner une nouvelle jeunesse. Dès le mois de mai 2025 nous avons commencé à rénover petit à petit l’ensemble de nos salles, à l’exception bien sûr de la salle IMAX et 4DX qui sont très récentes. Au moment où nous nous parlons nous sommes à mi-chemin de ces travaux. Les dernières salles rouvriront mi-novembre 2025.
Quel est le contenu de ces travaux ?
A la fin de ce chantier nous aurons rénové nos 14 salles, entendez par là que nous aurons changé tous les fauteuils, tout en sachant que pour toutes les salles à l’exception de la plus grande, nous avons fait évoluer le gradinage afin d’installer davantage de distance entre les rangées, passant ainsi de 1m à 1,60m. Sur la grande nous restons à 1,10m. Nous changeons également l’ensemble des revêtements au sol ainsi que la totalité des tentures murales. Toutes les salles bénéficieront dorénavant d’une projection laser avec des projecteurs 2K et 4k toute dernière génération en fonction de la taille des écrans, ce qui entraîne parfois également le changement de la toile (ndlr : l’écran). Et bien sûr nous avons fait évoluer nos chaînes sonores.

Salle Pathé Labège
Ce regradinage n’a-t-il pas entraîné la suppression de fauteuils ?
Comme je le disais précédemment, passer d’une profondeur de gradin de 1m à 1m60 nous a obligé à sacrifier un certain nombre de fauteuils. La largeur des sièges a également changé puisque nous passons de 59cm à 68 cm. Dans cette opération la jauge totale va perdre un millier de places. Je tiens à préciser que la salle 1, notre plus grande salle, si elle va être entièrement refaite côté fauteuil, gardera malgré tout son nombre de places qui dépasse les 400. Nous souhaitions garder une grande salle. Nous serons à 2400 fauteuils après travaux. Je le précise avant que vous ne me posiez la question, les tarifs principaux de notre billetterie ne bougent pas.
Parlez-nous de ces nouveaux fauteuils
Ce sont des sièges électriques full recliner, ce qui permet de régler indépendamment le repose-jambe et le dossier. Les mousses sont renforcées et très confortables. Le revêtement de velours rouge est magnifique. L’ensemble crée un climat très chaleureux, intimiste aussi. Le lettrage au sol ainsi que les nez de marche sont lumineux ce qui permet de bien se diriger vers son fauteuil. Le numéro de celui-ci est frappé en caractère or sur l’appui-tête et très visible également.
Vous créez un univers luxueux, n’ayons pas peur du terme, qui rappelle furieusement celui des grands théâtres dramatique ou lyrique avec cette profusion de rouge et d’or, et en plus un confort que ces salles n’ont jamais eu. Je viens de m’apercevoir que dans votre hall vous vendez à présent… des hot- dogs que les spectateurs peuvent manger… en salle ! N’est-ce pas un brin périlleux quant à la pérennité de la tenue de vos salles ?
Périlleux est le terme qui me convient. Manger un regardant un film, des popcorns par exemple, est quelque chose que le spectateur adore faire depuis longtemps. L’offre hot-dog se révèle à ce jour assez concluante. Nous avons fait en sorte que les contenants soient assez larges pour que les personnes ne se tâchent pas ainsi que nos fauteuils. De même le sujet a été étudié de près par la société qui s’occupe de l’entretien de notre site car il serait dommage que ces salles se dégradent rapidement.
Où en est la fréquentation de ce complexe cette année ?
Nous sommes loin d’une bonne année en terme de fréquentation puisque celle-ci a baissé de 13% par rapport à 2024 ce jour. Nous le savions, le début d’année 2025 était plus favorable au centre-ville avec des films classés Art et Essai, ce qui n’est pas tout à fait notre programmation à Labège. Heureusement sont arrivés Mission : Impossible et Lilo et Stitch. En même temps, se comparer à l’année précédente est un peu téméraire car il y a eu en 2024 les sorties quasiment simultanées de Vice-versa 2, Monte- Cristo et Un petit truc en plus, trois films qui ont explosé le box-office. Cette année nous ne les avons pas eus et nous nous retrouvons dans des standards de fréquentation pré-covid. Pour moi, ces statistiques ne sont pas inquiétantes du tout car elles reflètent simplement des calendriers de sortie mal équilibrés.
Qu’en est-il des projections en VO à Labège ? Il y en a peu.
Peu, pas forcément spécialement à Labège car nous sommes dans la moyenne des sites de périphérie. Les sorties dites internationales sont à 20% en VO voire 40% pour certaines productions. Mais je reste très vigilant car la VO ne rencontre pas toujours un large public, du moins ici. En fait il convient d’être très sélectif et attentif. Par exemple les Miyazaki sont entièrement en VO, de même que le très attendu Demon Slayer car le public du genre ne supporterait pas une VF. C’est une question à se poser pour chaque film. Un exemple flagrant, F1 en VO n’a pas fonctionné à hauteur de ce qui était espéré et j’ai rapidement rétropédalé pour passer en VF.
Quelles ont été les plus grosses entrées jusqu’à présent cette année ?
Je parle évidemment pour Labège. Clairement ce furent Lilo et Stitch, F1, Dragons, Ma mère, Dieu et Sylvie Vartan, Mission : impossible, Minecraft… Ceci dit ce ne sont pas non plus des méga-cartons comme ceux précédemment évoqués de 2024 !
Qu’attendez-vous de spécial pour cette fin 2025 ?
Bien sûr la première partie du deuxième volet de Kaamelott car, malgré qu’il s’adresse à un public de niche, je suis persuadé qu’il aura beaucoup de succès. Nous attendons beaucoup du dernier film de Cédric Jiménez : Chien 51 avec une distribution incroyable : Gilles Lellouche, Adèles Exarchopoulos, Louis Garrel, Romain Duris, Valeria Bruni Tedeschi, Artus… Excusez du peu ! Dans le genre horreur, épouvante, la suite de Conjuring. Evidemment la suite de Downton Abbey devrait réunir un public de fidèles d’autant que c’est la fin de la saga. Les projections ici seront à 40% en VO pour ce film. Avant la fin de l’année nous aurons un nouveau volet de Tron et pour clore 2025, trois incontournables : l’histoire de cambrioleurs magiciens : Insaisissables, la suite de Zootopie et enfin pour les fêtes, le troisième volet d’Avatar dont la bande-annonce est simplement fabuleuse.
Et en dehors des films…
Nous avons eu le concert de Prince, celui de David Gilmour, il va y avoir celui de Djul au Stade de France, la Comédie française avec Sans famille et bien sûr l’extraordinaire saison lyrique du Metropolitan Opéra de New York avec 8 rendez-vous d’exception tant par les productions que par les artistes invités et les titres proposés dont l’historique Bohème de Giacomo Puccini dans la mise en scène de Franco Zeffirelli, mais aussi ce sommet du bel canto que sont Les Puritains de Vincenzo Bellini, le chef-d’œuvre de Richard Wagner : Tristan et Isolde, sans oublier la production inédite d’un opéra contemporain : Le Dernier rêve de Frida et Diego, un opéra qui fait revivre, à tous les sens du terme, les amours tumultueuses de Frida Kahlo et Diego Rivera.

La Somnambule de Vincenzo Bellini
Vos ambitions ?
Nous devenons le complexe Premium de l’agglomération. A ce titre nous nous devons de créer de l’évènement tout en étant très prudents car le complexe de Labège est un cinéma « grand public », un public auquel nous sommes attachés. Or notre nouveau statut va nous amener un public CSP+. Cela va nous faire coiffer une double casquette. Ceci étant je peux vous dire que les premiers retours que nous avons de la part du public qui découvre nos nouvelles salles sont extrêmement positifs et enthousiasmants.
Quant au métro…
Nous l’attendons avec impatience car nous ne sommes pas en capacité aujourd’hui de quantifier l’effet sur la fréquentation du complexe par rapport à une station qui va se trouver à quelques 350 mètres du cinéma. C’est près et loin à la fois et notre parking gratuit de 1000 places ne sert à rien en l’occurrence. Peut-être entre 10% et 15% de public supplémentaire, sous toutes réserves… Quant à la nuisance sonore, car nous allons être très très vigilants, les études faites en amont nous ont rassurés.
D’autres projets ?
Bien sûr, nous n’allons pas nous arrêter à la rénovation des salles !
Propos recueillis par Robert Pénavayre