Chaque semaine, on vous invite à lire une nouveauté, un classique ou un livre à redécouvrir.
L’Impasse des rêves de Didier van Cauwelaert
« Anaïs fut mon premier amour d’adulte. Un fantasme, un coup de foudre, une passion sans issue. Quelques heures d’intimité secrète sous les regards de sa famille, une soirée de retrouvailles imprévues et des années de remords. Un remords à feu doux, intermittent, apprivoisé. Un souvenir conservé dans le silence, comme une boîte à musique qui ne diffuse ses notes que lorsqu’on décide la rouvrir », annonce Didier van Cauwelaert dès la première page de L’Impasse des rêves qui vient de paraître. Ce roman d’inspiration autobiographique, dont l’écrivain est le narrateur et l’un des principaux personnages, retrace donc une improbable histoire d’amour « née d’une erreur ».

Didier van Cauwelaert © Astrid di Crollalanza / Albin Michel
Nous sommes en 1981. Âgé de vingt-et-un ans, l’apprenti-écrivain qu’il est alors bombarde les maisons d’édition de manuscrits. Un matin, il reçoit la traditionnelle lettre de refus accompagnant un texte qui n’est pas le sien. Confusion de l’éditeur : Je te tuerai dimanche est l’œuvre d’une certaine Anaïs Forges domiciliée en Haute-Savoie. Le jeune homme décide alors de remettre son texte à l’inconnue. Sur place, il découvre une femme de vingt-cinq ans, mère de jumelles, mariée à un notable abrupt, narquois, fier de lui, dont la violence sous-jacente semble faire écho à celle subie par l’héroïne du roman d’Anaïs. Une brève rencontre, de brèves retrouvailles et un meurtre vont sceller un temps la relation entre Anaïs et Didier. Ce dernier, qui publie en 1982 son premier roman intitulé Vingt ans et des poussières, devient un écrivain à succès, un dramaturge, un homme occupé. Jusqu’à ce que cette étrange histoire ressurgisse du passé et le rattrape.
Jeu de miroirs
Il ne faut pas dévoiler plus avant les ressorts et les rebondissements de L’Impasse des rêves qui se déroule sur plusieurs décennies au gré d’ellipses, d’accélérations, de révélations. L’auteur d’Un aller simple, prix Goncourt 1994, mêle comédie et tragédie, noirceur et féérie, imaginaire et goût du détail vrai. Retraçant ses débuts dans le métier, il fait entrer le lecteur dans les coulisses de l’édition et signe au passage un portrait en forme d’hommage au regretté Jean-Marc Roberts qui fut son premier éditeur. D’autres caractères, moins aimables, sont croqués avec une ironie dénuée d’acrimonie.
Eternel jeune homme, Didier van Cauwelaert n’a jamais perdu sa capacité d’émerveillement et sa foi dans les secondes chances qui lui font percevoir la part de lumière que laissent entrevoir même les zones les plus sombres. Jeu de miroirs entre le réel et la fiction, L’Impasse des rêves est peut-être la réponse au désir et à la nécessité d’inventer ce qui paraît le plus vrai. On trouve dans ces pages – alertes, drôles, graves, sensibles – ce qui pourrait être une définition de l’art romanesque et de son pouvoir : « un rappel à la vraie vie, une issue de secours, un itinéraire bis pour contourner la mort, ramener les consciences à bon port. » C’est ce voyage en forme de renaissance qu’accomplit le roman de Didier van Cauwelaert.
L’Impasse des rêves • Albin Michel