La surprise fut de taille. En effet, les cinq représentations de cet ouvrage données au Théâtre du Capitole furent un plein succès, accueillies triomphalement à tous points de vue. Je ne reprendrai pas les différents points de mon compte-rendu déjà donné ici mais c’est surtout pour manifester l’enthousiasme qui a pu toucher le spectateur, de l’Orchestre au Paradis.
On peut revenir sur le pourquoi d’une telle irréfragable émotion. Est-ce sur le soin apporté dans l’établissement préalable du texte de la partition, notamment dans les choix de détails d’instrumentation ? Le texte d’Idoménée reste problématique par les modifications, suppressions et ajouts successifs qu’y apportera Mozart. Mais tout cela ne concerne pas la grande majorité du public. Seul, le résultat d’ensemble compte et nous pouvons répéter ici que le grand maître d’œuvre de cette réussite est bien, d’abord, Michele Spotti. Sa direction, vivante à chaque instant, légère, mais oui ! toujours en anticipation, active avec un orchestre virtuose (Kristi Gjezi, quel violon solo !) et mordant, jouant sur instruments modernes, mais oui ! tout cela prouve bien que l’Orchestre du Capitole peut aussi jouer du Mozart. Idomeneo, ce sont aussi les chœurs. Le chœur Les éléments de Joël Suhubiette nous a paru comme réjoui d’être un acteur de choix dans cette fête, participant pleinement à l’action.
La musique a respiré de bout en bout, porté d’un mouvement continu par les élans et les reflux, par les troubles et les opacités du cœur, jusqu’à la déraison d’Electre et la vérité conquise d’Idoménée. Sans emphase, sans concession à un dramatisme romantique, le classicisme de l’approche dégage la grandeur bouleversante de la musique.
Quant au chant, ce fut l’émotion irrésistible. Distribution parfaitement homogène et sans faiblesse. Quatre ténors y participent. Et il fallait trouver les quatre qui assument pleinement leur partition mais surtout, quatre timbres qui s’accordent entre eux. On s’incline devant une telle réussite. Bouleversant Idomeneo avec Ian Koziara par la noblesse, la dignité douloureuse, l’humanité conférée au personnage. On est aussi agréablement surpris par l’intensité des récitatifs qui se révèlent ainsi incontournables. On relève la perfection du style et du phrasé dans toutes ses arias redoutables qui se succèdent chez chaque interprète habité. On est subjugué par la performance vocale de Cyrille Dubois dans un Idamante noble et pudique, au chant se jouant des pires difficultés, qui fait oublier, avis personnel ! toutes les voix féminines dans ce rôle.
On est troublé par le timbre si attachant de Petr Nekoranec qui me rappelle celui d’un certain Josef Reti et qui est une parfait Arbace, dans ses deux arias, heureusement dévolues. Marie Perbost est une fine et limpide Ilia qui n’a pas besoin de rajouter des suraigus pour faire remarquer un chant d’une parfaite plénitude. Pendant que, Electre fière et déterminée, Andreea Soare nous interpelle par une voix si généreuse et un jeu scénique parfaitement assumé.
Quant au volet théâtre, j’ai déjà donné mon opinion dans le premier compte-rendu en retenant que les très beaux tableaux successifs me conviennent parfaitement dans leur adéquation avec la musique et le chant.
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