Une plongée in media res dans une Afrique à feu et de sang, en pleine guerre civile burundaise entre les hutus et tutsi au Rwanda et au Burundi. Barbarie/animalité/sauvagerie. Oui, mais sans les images sanguinaires et insoutenables. Aucune violence gratuite ne trahit la pensée de l’auteur et le cinéaste s’en accommode fort bien, explicite dans les silences lourds de sens et les colères rentrées des personnages. La tension est déjà bien là, dans le couple, à l’école, dans le rues. Alors les émotions suffisent. Et les mots de Gaël Faye retranscrits dans toute leur poésie.
Ca sonne vrai parce que tout est vrai, ou presque. C’est une autofiction avec une forte dose d’autobiographie puisque le roman est un témoignage d’un enfant de 10 ans qui a vécu le conflit de l’intérieur. Il était là. Pendant le conflit et pendant le tournage. Eric Barbier a su le garder bien présent et c’est ce qui fait l’authenticité du film.
Le roman Petit Pays de Gael Faye, auteur-compositeur- interprète, rappeur, poète qui a remporté le Goncourt des lycéens en 2016 – m’avait déjà interpelée à l’époque de sa publication et l’adaptation cinématographique d’Eric Barbier a mis des images attendues mais non moins évocatrices sur les mots de l’auteur, respectant la lenteur de la narration, rendant le souffle haletant pendant les accélérations de l’action, sublimant la nostalgie de l’enfance, dramatisant les conflits émotionnels ou effectifs.
Le sujet est important, et méconnu pour beaucoup d’occidentaux : Le génocide rwandais.
Dans les années 1990, un petit garçon vit au Burundi avec son père, un entrepreneur français, sa mère rwandaise et sa petite soeur. Il passe son temps à faire les quatre cents coups avec ses copains de classe jusqu’à ce que la guerre civile éclate mettant une fin à l’innocence de son enfance.
Beaucoup d’introspections, de solitudes, d’éclatements, de choix, de quêtes identitaires et une famille dont le sort bascule du jour au lendemain du statut d’expatriés privilégiés à membres éprouvés d’une tribu massacrée. C’est fort. Très fort. Comme tous les devoirs de mémoire, celui ci ne peut se faire que dans la douleur.
Le personnage est troublant, fascinant, cette mère tiraillée entre son éternel statut de réfugiée et son désir de ne pas oublier ses origines et de les transmettre à ses enfants.
« J’enroule une tresse de Maman autour de mes doigts et je relis le poème de Jacques Roumain offert par Mme Economopoulos le jour de mon départ : ‘Si l’on est d’un pays, si l’on y est né, comme qui dirait : natif-natal, eh bien, on l’a dans les yeux, la peau, les mains, avec la chevelure de ses arbres, la chair de sa terre, les os de ses pierres, le sang de ses rivières, son ciel, sa saveur, ses hommes et ses femmes…' » Gaël Faye
Un film d’Eric Barbier avec Jean-Paul Rouve , Djibril Vancoppenolle, Dayla De Medina
En salle le 18 mars 2020 au Gaumont