CRITIQUE. Concert. TOULOUSE. Halle-aux-Grains, le 24 novembre 2025. MENDELSOHNN. POULENC. TCHAIKOVSKI. Arthur et Lucas Jussen. Münchner Philharmoniker. Direction, Tugan Sokhiev.
La musique en fête
Les Grands Interprètes fêtent avec lustre leur quarantième anniversaire. Ce soir l’orchestre de la radio bavaroise le Münchner Philharmoniker est dirigé par Tugan Sokhiev tant aimé des Toulousains. L’orchestre de Munich a été dirigé par des immenses chefs, le compositeur le plus connu est Gustav Mahler qui y a créé deux de ses symphonies. Le plus prestigieux et le plus connu est sans doute Sergiu Celibidache qui avec une discographie majestueuse de magnifiques concerts radiodiffusés a fait très bien connaitre l’orchestre dans le monde entier surtout dans Bruckner.
Ce soir Tugan Sokhiev les dirige dans des œuvres que le chef ossète aime particulièrement. Des son attache à Toulouse comme directeur artistique il a développé une belle connaissance de la musique française. Ce concerto de Poulenc pour deux pianos est comme une farce gigantesque. Deux pianistes supersolistes auxquels il est demandé une virtuosité diabolique dialoguent avec un orchestre farceur.
Dès leur fulgurante entrée en scène les deux frères pianistes Lucas et Arthur Jussen forcent l’admiration. Comme deux diablotins blonds ils sautillent vers les pianos et dans une complicité joyeuse ne font qu’une bouchée de la partition si terrible. Tout leur semble facile et la légèreté de leur toucher, leur énergie et leur joie partagée font mouche. C’est une interprétation idéale. Leur jeu fusionnel, leurs œillades et leurs mouvements primesautiers font merveille. Tugan Sokhiev allège l’orchestre au maximum tout en obtenant un brillant particulier. Cette partition malicieuse, voir moqueuse est parfaitement interprétée par ces musiciens habiles. Tout passe comme un enchantement. Les deux jeunes pianistes offrent un bis paisible après tant de frénésie. L’adaptation d’une pièce de Bach à deux pianos apporte un peu de calme.

Après l’entracte l’orchestre s’étoffe jusqu’à 8 contrebasses pour la quatrième symphonie de Tchaïkovski. Tugan Sokhiev a enregistré cette symphonie avec l’orchestre du Capitole en 2006. Il l’a très souvent dirigée. C’est un peu une œuvre fétiche. En 2023 lorsqu’il était venu ici avec le Wiener Philharmoniker il avait offert cette même quatrième symphonie. L’entendre proposer la même judicieuse interprétation avec ces phalanges prestigieuses si différentes est un vrai bonheur.
Si sa première version toulousaine garde une fraicheur et une énergie particulière avec des orchestres plus imposants Tugan Sokhiev garde sa vision. Moins sombre que les deux symphonies suivantes de Tchaïkovski il garde à cette œuvre des moments de bonheur et même de joie. La souplesse du discours, les phrasés élégants, le dosage parfait des nuances, et cette science des crescendo, font merveille.

Tugan Sokhiev danse plus qu’il ne dirige. Ses mains nues semblent créer la musique sous nos yeux. C’est aussi beau à regarder qu’à écouter. L’orchestre de Munich est royal. Opulent de cordes, ronds de bois et mordorés de cuivres. Les solistes sont brillantissimes (hautbois, clarinette flûte, picolo, cors, trompettes et gros cuivres). La beauté sonore permanente de cette 4 ieme de Tchaïkovski est pour le public un moment de ferveur. Les applaudissements sont particulièrement nourris. L’orchestre propose un bis brillant qui ravit toute la Halle-aux-Grains.
Un concert magnifique qui fait honneur à cette année des 40 ans des Grands Interprètes.
Photos: HS
Critique écrite pour classiquenews.


