Ils incarnent une certaine culture anglo-saxonne, à la fois mélancolique et rageuse, traduite en chansons pop et rock qui s’installent durablement dans les esprits. The Who, groupe anglais mythique briseur des conventions, et The Divine Comedy, orchestre formé autour de la personnalité mélancolique et ironique de l’Irlandais Neil Hannon, sont dans l’actualité, les premiers avec un live inédit enregistré en 1971, le second avec un nouvel album qui recèle de nombreux petits bijoux de chroniques délicates.

The Who
Les Toulousains qui ont assisté au dernier concert de The Who, le 14 juin 2016, au Zénith, et plus encore les rescapés du tout premier, le 17 février 1974, au Parc des expositions, seront en terrain de connaissance avec la sortie de « Live at the Oval », double vinyle inédit mixé à partir des bandes analogiques originales. D’une lointaine époque à nos jours, on retrouve en effet des listes de chansons assez similaires, avec de grands classiques toujours revisités comme « I can’t explain », « Won’t get fooled again », « Pinball Wizard » ou « See me, feel me ». Le 18 septembre 1971, un an après sa participation au festival de l’île de Wight et deux ans après Woodstock, The Who est à l’affiche du Goodbye Summer. L’événement est organisé sur un terrain de cricket, dans une zone industrielle, à Londres, pour lutter contre la famine au Bengladesh, peu après le fameux concert caritatif initié à New York par George Harrison et Ravi Shankar. D’autres groupes fameux comme Rod Stewart and The Faces ou Mott the Hoople ont répondu présent. 40000 spectateurs se sont casés sur l’herbe, au-delà de la jauge autorisée. Stars de la journée,
The Who a l’honneur de conclure les débats en début de soirée, juste après The Faces. On le sent immédiatement, la bande à Roger Daltrey est « So glad to see you », comme le blondinet l’affirme en introduction. Suivent notamment un « Summertime blues » aux riffs furieux, « My wife » à la force de frappe hallucinante, un « Substitute » plus pop, un peu de calme avant la tempête sur le formidable « Bargain », la superbe ballade « Behind blue eyes », le quasi expérimental « Baby don’t you do it » (avec solos de batterie et de basse explosifs) avant une conclusion bluesy (avec harmonica et clin d’œil à « Not fade away) grâce à un « Magic bus » effectivement magique. Sans oublier les 4 tubes cités plus haut. The Who casse la baraque – et ce n’est pas une image quand Pete Townshend brise une Gibson toute neuve et Keith Moon démolit sa batterie pour terminer en beauté.
Un sympathique livre grand format, nourri de nombreuses photos, nous révèle l’état d’esprit du groupe ce soir-là. « J’étais complètement bourré à cause des Faces, qui savaient passer du bon temps et beaucoup s’amuser, raconte, rigolard, Pete Townshend. La seule chose dont je me souviens à propos de ce concert était d’avoir vu Rod Stewart taper dans une quarantaine de ballons de foot à destination de la foule, ce qui nous causa quelques problèmes quand les spectateurs renvoyèrent les ballons sur scène alors qu’on y était ! »

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Bien plus paisible est l’atmosphère qui règne sur « Rainy Sunday afternoon » (« Un dimanche après-midi pluvieux »), le nouvel album de The Divine Comedy, enregistré dans les prestigieux studios Abbey Road, à Londres. De sa voix de crooner un peu fatigué (mais terriblement charmeur), Neil Hannon chronique le temps qui passe et étale ses états d’âme. La chanson introductive, « Achilles », sur le sentiment de mortalité, a un côté beatlesien tranquille, mâtiné de cloches à la Morricone. Cinéma toujours avec « The last time I saw the old man », ballade aux violons inquiets, quelque part entre Serge Gainsbourg et Philippe Sarde. Les mélodies tendres et mélancoliques se succèdent et ont tôt fait de nous ensorceler. Sur la vie qui ralentit et s’effiloche, « The man who turned into a chair » est d’un lyrisme prenant, convoquant accordéon et chœur féminin (en plus d’une guitare acoustique très présente sur l’album). « I want you » est un autre chant d’amour, très touchant, cette fois-ci porté par un piano délicat. « Certains veulent construire une ville, ériger un mur, ou comme Machiavel, conquérir le pouvoir par tous les moyens. Moi, c’est toi que je veux », chante Neil Hannon. Décrivant l’existence comme un « théâtre d’ombres », « The heart is a lonely Hunter » (hommage au roman bouleversant de Carson McCullers, “Le cœur est un chasseur solitaire » ?) est une autre splendeur, qui prend un élan magique sur la fin.
S’il est incurablement romantique, Neil Hannon sait aussi trousser des chansons plus enlevées. C’est le cas de « Rainy sunday afternoon », dont la vigueur pop, un peu sixties, semble se jouer des gouttes de pluie et de l’état du monde pesant sur nos épaules. Même atmosphère, presque enjouée, avec « Invisible thread » (« Le fil invisible »), qui conclut l’album, avec la complicité de la fille de l’artiste, à laquelle il lance, confiant : « Souris, chante, ris, pleure… Ouvre tes petites ailes et vole. » Idem avec « All the pretty things » (« Toutes ces jolies choses »), parfaite chanson de Noël sur un air de valse tendre. Un vrai bonbon, à la fois acidulé et fort en goût. A déguster en bonne compagnie mercredi 4 mars à 20 heures au Bikini de Ramonville (tarifs : de 30,80 à 35 euros).
Double vinyle « Live at the Oval » de The Who (Universal Music). Album “Rainy Sunday afternoon” de The Divine Comedy (DCR/Pias).



