Diffusée à partir de ce jeudi 20 novembre sur Arte à 20h55 et sur la plateforme de la chaîne, la nouvelle série de Rodrigo Sorogoyen autour de l’histoire d’amour entre un couple de jeunes madrilènes est une belle réussite.

Los Años Nuevos – photo Ernesto Reguera
Ce n’est pas un secret, mais la nouvelle gagne à être encore plus partagée : Rodrigo Sorogoyen est l’un des meilleurs cinéastes en activité. En seulement cinq longs métrages, le réalisateur espagnol âgé de quarante-quatre ans a démontré l’étendue de ses talents. Si As bestas, coproduction franco-espagnole avec Denis Ménochet et Marina Foïs, a élargi en 2022 son public chez nous, il faut voir aussi Que Dios nos perdone (vertigineux film noir mettant en scène un tandem de policiers que tout oppose), El reino (plongée dans un milieu politique rongé par la corruption) ou Madre (bouleversant mélodrame amoureux dont l’audace n’a d’égale que la pudeur).
Par ailleurs, Sorogoyen a également fait ses preuves dans l’univers de la série télévisée et Antidisturbios – qu’il a coécrite et réalisée – est un chef-d’œuvre de subtilité et de virtuosité, entre la chronique politico-sociale et l’enquête policière, sur les membres d’une brigade anti-émeute de Madrid. Sa nouvelle série, Los años nuevos, coécrite avec Sara Cano et Paula Fabra, nous entraîne sur les pas d’Ana, serveuse, et d’Óscar, étudiant en médecine, qui se rencontrent lors du nouvel an 2015. Il est né à 23h59 le 31 décembre 1984, elle a vu le jour à 00h01 le 1er janvier 1985. Ils ont désormais trente ans, l’âge des choix et de l’adieu à la prime jeunesse. Neuf autres réveillons suivront en retraçant le parcours à la fois banal et chaotique du couple.
Le temps, l’amour, la mort
Au-delà de l’originalité narrative où les ellipses d’une année dans le récit invitent le spectateur à écrire lui-même l’histoire des personnages, Los años nuevos impressionne par sa forme qui propose de longues scènes de dialogues et des tranches de vie réalistes au gré de plans-séquences où Sorogoyen excelle. Rien de spectaculaire dans l’intrigue : un amour naissant, des joies, des peines, des deuils, les amis qui s’éloignent, une rupture, des retrouvailles… La réussite de la série doit évidemment beaucoup à ses deux interprètes principaux – Iria del Río et Francesco Carril – qui se révèlent remarquables de justesse, de naturel, de finesse. Certaines séquences serrent le cœur. Les scènes de sexe – inutiles et trop longues – n’empêchent pas la dynamique irriguant les dix épisodes. Des chansons s’invitent à la fin de chacun d’eux à l’image de la superbe El pensamiento circular d’Iván Ferreiro.
Los años nuevos nous parle du temps qui passe, de l’amour, de la mort. Bien sûr, la nostalgie a son mot à dire dans cette chronique douce-amère. Tout ce bonheur qu’ils ne savaient pas… Il y a des soirées émouvantes, des petits matins difficiles, des secrets, des aveux. La vie palpite entre les images. Des destins se jouent sur le fil du rasoir. En général, dans la réalité, les histoires d’amour ne connaissent pas de seconde chance. Dans la fiction, tout est possible. La preuve ici. On ose croire qu’Ana et Óscar saisiront la leur. Rendez-vous dans dix ans ?

