À rebours des biopics américains, parfois pas si mal mais cinématographiquement parfaitement scolaires et lisses, le film espagnol Segundo Premio nous raconte par des flashbacks citizenkaniens le parcours de Los Planetas, groupe indie pop noisy de Grenade (Andalousie) ayant véritablement existé dans les années 1990.

Musicalement, dès le début du film, le ton est donné quand on voit le duo de compositeurs du groupe acheter des disques de Teenage Fanclub, Guided By Voices, TV Personalities et My Bloody Valentine (ils ont oublié Ride et Spacemen 3 !). Pas étonnant dans un pays sensible à cette pop, et qui a vu passer des groupes aussi excitants que Los Valendas, Cola Jet Set, Pleasant Dreams, Perro, des labels comme Munster ou Elefant Records (où ont commencé Los Planetas), des festivals comme Benicassim ou Primavera Sound…
Je le disais, ce film est tout sauf scolaire et hollywoodien. On sent à chaque plan que les deux réalisateurs, Isaki Lacuesta et Pol Rodriguez, et le scénariste Fernando Navarro comprennent bien le paradis et l’enfer d’un groupe : la fusion orgasmique de la composition, les rivalités et problèmes d’égos au sein du groupe, les différences de personnalité, la drogue, les majors putassières avec leurs DA (directeurs artistiques) sortant de HEC et ne comprenant rien à la musique, les rockeurs marginaux et perdants magnifiques sortant de leur turne et ne comprenant rien à l’industrie du disque, inaptes à la moindre concession, deux mondes et visions inconciliables.
L’autodestruction et les rapports toxiques du duo de Los Planetas sont en fait une descente aux enfers rimbaldienne qui résonne tout au long du film. Comme Désordre d’Olivier Assayas était une réjouissante photographie d’un groupe rock français (fictif, c’est la différence avec le film qui nous occupe) des années 1980, Segundo Premio est un instantané tout aussi fidèle d’un combo espagnol des années 1990. Avec une bande-son réussie (comme Désordre).

