Il appartient à la famille des Souchon, des Chedid et des Delerm, chanteur délicat racontant la vie et le monde entre mélancolie et humour décalé. Mathieu Boogaerts sera sur la scène de la salle Nougaro, à Toulouse, le 25 novembre, pour présenter son 9e album, « Grand piano », sorti en début d’année. Interview.

Mathieu Boogaerts, 30 ans de chanson. Photo Thibault Montamat
Le titre de votre album fait-il penser que vous voyez enfin les choses en grand après 30 ans de carrière ?
Non, pas du tout ! A chaque fois que j’écris une chanson, quel qu’en soit le texte et le ton, je nourris la plus grande ambition. Le « Grand piano » dont il est question ne fait pas référence au répertoire mais à la production, que j’ai voulue plus riche ici, plus mise en scène, avec une plus grande variété d’instruments.
A l’écoute, on apprécie effectivement cette belle production, jamais écrasante, toujours pleine de finesse…
Je pèse les notes comme je pèse les mots. Chaque instrument doit avoir sa pertinence. Lors de l’enregistrement puis en concert, il ne peut y avoir aucun musicien de trop. J’ai longtemps tourné seul. Cette année, nous sommes quatre sur scène et cela convient à merveille au projet que j’avais en tête.
Les 12 chansons de votre nouvel album ont été écrites un peu partout dans le monde. Avez-vous besoin de voyager pour être créatif ?
Je ne me dis jamais : il faut que j’écrive une chanson ici ou là. Les choses arrivent par bribes, sans que je recherche absolument l’inspiration. Je joue beaucoup de guitare ; je gratouille sans enjeu. Et puis surviennent une suite d’accords, la phrase parfaite qui se love dans la mélodie. Je déroule le fil. Cela étant, j’aime le voyage en solitaire. J’ai l’impression de partir en mission. J’arrive à me déconnecter et une discipline se met en route, avec un cadre restreint pour commencer et terminer une chanson. Pour autant, cela ne changera rien si je l’imagine à Vladivostok ou Ouagadougou.
Votre style fait une large part à l’humour décalé. La vie est dure mais il faut essayer d’en sourire…
Je ne choisis pas d’être ironique, je fais les choses telles que je les sens. Je ne sais pas pourquoi je valide, par exemple, subitement, une petite guitare que certains trouveront amusante. Je suis très intuitif. L’essentiel est que la mélodie porte le plus justement la voix ; que, comme au théâtre, les lumières et les costumes épousent au mieux le propos et l’intention.
Dans la chanson « Mélancolie », la mélodie est pimpante, avec un chœur féminin à la fois gracieux et moqueur, alors que le texte fait référence à ce « poids » qui parfois nous écrase. Ce contraste est-il le secret d’une chanson réussie ?
Je l’ai conçue comme une discussion entre deux personnes. La chanson repose sur une évidence que nous avons tous vécue : on peut tour à tour être beau et moche, heureux et triste, optimiste et pessimiste… On ne se sent pas bien et puis on rencontre quelqu’un et, tout d’un coup, on rigole de la situation qu’on vient de subir. La vie est ainsi, très changeante.
« Bancal » est un autre titre évocateur : on croît avoir bâti quelque chose de solide or, « il manque quelques briques »…
Je ne décide jamais de me saisir d’un sujet précis et d’en faire une chanson. J’essaye de formuler un sentiment. Je fais vibrer ici une des cordes que j’ai en moi, celle de la mélancolie légère. Et j’utilise la métaphore du bâtiment avec les briques, la façade, le vide. Je reste campé sur cette allégorie jusqu’au bout.
Vos albums sont toujours bien accueillis par la critique, vos concerts suivis par un public fidèle. Pourtant, votre carrière s’est construite dans la discrétion. Le regrettez-vous ou êtes-vous fier du chemin parcouru ?
Je dirais que je vois le verre plein…aux trois-cinquièmes. J’ai une chance inouïe : je fais exactement la musique que je veux à la note près, guidé par mes goûts et mes envies et épaulé par des partenaires qui me suivent. Artistiquement, je suis fier, oui. Côté verre à moitié vide, je regrette bien sûr de ne pas toucher un public plus large. Je suis certain que si tous les Français passaient un dimanche à écouter ma discographie, il y en aurait au moins 10% qui trouveraient mes chansons super. J’ai certes un statut d’outsider et je suis parfois frustré. Mais quel artiste ne l’est pas, quelle que soit sa place ?
Vos chansons sont celles d’un grand timide, mal à l’aise avec son environnement. Et pourtant, vous pratiquez la scène avec assiduité. Comment réussissez-vous à surmonter vos angoisses ?
La première fois que j’ai chanté devant un public, c’était après la sortie de mon premier disque (« Super », en 1996, NDLR). J’avais très envie et très peur. Or, en deux secondes, je me suis senti parfaitement à l’aise. Quand j’écris, je doute tout le temps. Sur scène, j’arrive avec des chansons « parfaites » et je ne suis plus du tout timide. Je suis ravi de mon nouveau spectacle, de tout ce qui se passe avec mes trois musiciens, tous excellents. Venez salle Nougaro, vous passerez un très bon moment !
Mathieu Boogaerts en concert salle Nougaro, à Toulouse, mardi 25 novembre à 20h. Tarifs : 20,80 et 23,80 euros. Dernier album « Grand piano » (Tôt ou Tard).

