Chaque semaine, on vous invite à lire une nouveauté, un classique ou un livre à redécouvrir.
Connaissez-vous Robert Evans ? Le nom ne vous évoque peut-être pas grand-chose, mais il est celui de l’homme qui produisit notamment Rosemary’s Baby de Roman Polanski, Love Story d’Arthuer Hiller, Harold et Maude d’Hal Ashby ou Le Parrain de Francis Ford Coppola. La réédition de ses mémoires, depuis longtemps épuisés en France, dans une version augmentée est un événement attendu par nombre de cinéphiles. Repéré par l’actrice Norma Shearer, star des années 1930, Robert Evans (1930-2019) se lance d’abord dans une carrière d’acteur tout en n’abandonnant pas la lucrative entreprise familiale de confection pour femme. Il travaille pour Darryl F. Zanuck, rencontre son idole James Cagney, se lie d’amitié avec Errol Flynn et succombe à Ava Gardner, mais c’est dans la production de films au sein de la Paramount que le jeune homme va se faire un nom.

Robert Evans © Alfred Eisenstaedt / The Life Picture Collection Shutterstock – Editions Séguier
Celui qui a grandi à l’époque de l’âge d’or des grands studios hollywoodiens accompagnera l’avènement du « Nouvel Hollywood » et de ses cinéastes emblématiques. Evans veut faire ses preuves, il travaille comme un dingue. Cela lui sauve parfois la vie. Le 8 août 1969, Sharon Tate, l’épouse de Roman Polanski, l’invite à dîner avec quelques amis dans sa villa de Cielo Drive. Au dernier moment, Evans décline l’invitation. Le montage d’un film l’attend. Il ne sera pas parmi les victimes de la « Manson’s Family ».
Delon, Polanski, Kissinger…
Ces Mémoires se lisent comme l’on déguste une bouteille de la cuvée Substance de Selosse. Cela pétille, aiguise l’esprit, donne des envies d’ailleurs et de bêtises. Les anecdotes et les morceaux de bravoure abondent. Voici notre homme en Suisse chez Vladimir Nabokov pour lire le manuscrit d’Ada ou l’Ardeur. Il le lit deux fois et n’y comprend rien. On attend toujours l’adaptation au cinéma. L’histoire de la production, du tournage et de la sortie du Parrain (il faut voir sur ce sujet l’excellent série The Offer où Evans est interprété par Matthew Goode) appartient à la légende. Ses amitiés avec Alain Delon, Roman Polanski ou Jack Nicholson sont l’un des fils rouges de l’ouvrage. Parmi les mauvaises idées d’Evans, il y eut celle de convaincre son épouse du moment (et grand amour de sa vie), Ali MacGraw, de tourner Guet-apens de Sam Peckinpah en compagnie de Steve McQueen. Elle tombe amoureuse de ce dernier. Henry Kissinger, proche d’Evans, propose ses services : « Si je peux négocier avec les Nord-Vietnamiens, j’imagine que je peux arranger les choses avec Ali. » Peine perdue. Elle ne reviendra pas.
Succès, trahisons et chutes sont de la partie. La cocaïne lui vaut des ennuis avec la justice. Cotton Club de Coppola s’annonce comme un fiasco programmé. Le box-office confirmera. Pire encore, Robert Evans se retrouvera mêlé à l’occasion à une affaire de meurtre dont il sera innocenté. A un moment, il décide de se faire interner dans un hôpital psychiatrique dont il s’évade rapidement. L’homme avait de la fuite dans les idées. L’une de ses devises – « les emmerder tous » – en disait beaucoup de son caractère. Robert Evans collectionna les mariages (sept) et les AVC (trois). Un jour, de battre son cœur s’est arrêté, mais quel cœur et quelle vie…


