Critique. Enregistrement CD. J.S. BACH : Suite pour violoncelle seul sur six instruments différents. Ronan Kernoa. Deux CD La Ramée. Durée totale 149’24’’. Enregistrement en juillet et aout 2024.
Ronan Kernoa offre une version très intrigante
des suites de Bach pour violoncelles.

Au disque que de versions de ces admirable suites pour violoncelle de Bach ont été enregistrées ! La version historique et oh combien inestimable de Pablo Casals date de 1939 ! Depuis il n’est que peu d’immenses violoncellistes ne les ayant pas toutes enregistrées. Puis les versions baroques se sont imposées et parfois des expérimentations ont été passionnantes. Ainsi la version sur violoncello da spala de Sigiswald Kuijken. Nous avions été séduit en 2007 et son enregistrement est toujours disponible.
Avec son projet Ronan Kernoa nous propose tout à fait autre chose. Il a décidé de rendre hommage aux instruments et au travail des luthistes et archetiers en faisant des choix étonnants et qu’il défend passionnément. C’est exactement à l’opposé de l’habitude qui demandes aux interprètes de dépasser les possibilités techniques de l’instrument pour jouer la sublime musique de Bach. C’est dans ce défit assumé que bien des artistes trouvent le moyen de nous émouvoir parfois aux larmes. Cette œuvre, comme souvent la musique de Bach, est extrêmement exigeante ; que l’on pense à certaines partitions vocales presque inchantables dans leurs exigences instrumentales. Le fait que Bach ait rêver les capacités d’un instrument encore naissant et ait deviné la technique des interprètes de l’avenir reste un magnifique cadeau.
Ronan Kernoa transpose certaines suites, joue du violon, des violoncelles, des violes de gambes et utilise différents archets parfois dans la même suite. C’est iconoclaste et peu envisageable sur scène mais au disque c’est passionnant. D’autant que la prise de son au plus près du chevalet permet de déguster les moindres coups d’archets, le velouté ou l’âpreté des phrasés. Les nuances également sont absolument inouïes. Chaque suite est ciselée, choyée et la beauté sonore est inimaginable.
C’est cela qui nous retient car chaque suite est complètement autonome, appartient parfois à un autre univers et l’ensemble est comme diffracté. Ce ne peut donc pas être une version de référence. Pour ceux qui aiment ces suites et en possèdent déjà une version plus habituelle cela représente une propositions passionnante qui avec les explications de Ronan Kernoa nous permet d’approfondir la connaissance de ces œuvres si exceptionnelles. Le livret et la pochette sont de toute beauté. Et nous l’avons déjà signalé la prise de son magnifie les sonorités variées, les coups d’archets et les nuances.

Hubert Stoecklin
