Chaque semaine, on vous invite à lire une nouveauté, un classique ou un livre à redécouvrir.
Ex-policière, Sallie Crews gère un stand de tir en pleine expansion près de la ville d’Atlanta. Elle a franchi le cap des quarante ans et vit avec Tommy, ancien shérif, grièvement blessé en service puis frappé d’un AVC durant sa convalescence qui le prive encore de l’usage de la parole. Malgré cette épreuve, le couple est heureux, mais le passé de Sally, en tant agent infiltré d’un groupe antidrogue, va ressurgir. Un juge à la retraite a été assassiné. Il venait d’écrire ses mémoires qui étaient aussi « une reconnaissance de toutes les choses les plus dégueulasses, les plus malhonnêtes, les plus dépravées qu’il a commises, en même temps qu’un compte-rendu complet de cinquante années de corruption au niveau local et de l’Etat. »

Farris Peter © Heather Photographers
Parmi les fautes et les crimes confessés par le juge : les bavures de la brigade d’intervention, à laquelle appartenait Sally, dirigée alors par un homme sans scrupules briguant désormais le poste de sénateur. Quand deux anciens membres de cette unité sont à leur tour éliminés, une affaire refait surface : celle où un bébé fut grièvement blessé lors d’une perquisition musclée injustifiée. La victime, Manny Ponder, issu d’une famille américano-thaïlandaise, est devenu un jeune universitaire et un activiste anti-police apprécié des médias. S’agirait-il d’une vengeance de la famille Ponder ?
Asile de fous surarmés
Avec son cinquième roman traduit en France et qui vient de sortir, Peter Farris signe un thriller virtuose dans lequel la tension monte crescendo. Des menaces par téléphone, des secrets enfouis, des responsables policiers aux motivations douteuses, des tueurs (un homme et une femme) opérant derrière des masques tribaux thaïlandais : les pièces du puzzle se mettent en place, mais l’écrivain ménage les fausses pistes et les coups d’éclat au fil d’une intrigue riche en manipulations.
Surtout, Laissez-moi brûler en paix offre une vision sans concession de « cet asile de fous obscènement surarmés plus connu sous le nom d’Amérique » et à travers lui d’une époque où Internet sert d’« évaporateur d’intelligence » et où les chaînes d’info continue contribuent à « l’empoisonnement de cerveau ». Voici donc « une époque où les gens vivent dans leurs téléphones et n’arrivent pas à se concentrer sur quoi que ce soit de plus de cent quarante caractères », où la politique est « le royaume de l’opportunisme et des passions populaires » tandis que « la vérité n’a aucune valeur ». Pour autant, Farris n’est jamais caricatural ni manichéen, y compris dans sa dénonciation des violences policières et dans sa vision du combat contre la drogue devenue le « cancer inopérable de l’Amérique ». Ponctué de scènes d’action et de fusillades dignes d’un film de Michael Mann, le roman réussit à maintenir rythme et suspense sur plus de 400 pages. Addiction imparable.
Laissez-moi brûler en paix • Gallmeister