CRITIQUE. CONCERT. Toulouse. Halle-aux-Grains, le 27 septembre 2025. OLIVIER MESSIAEN. Turangalîla-symphonie. Orchestre du Capitole. Tarmo Peltokovski.
Une ouverture de saison avec tambours et trompettes.
Tarmo Peltokovski prend cette année officiellement la direction artistique de l’Orchestre National du Capitole. Cette saison est sa première même si de nombreux concerts les ont réunis à Toulouse comme en tournées. Il l’ouvre donc SA SAISON avec l’œuvre phare qu’il a souhaitée ardemment : la grandiose Turangalîla-symphonie d’Olivier Messiaen.

L’effectif Monumental Photo Romain Alacaraz
Cette œuvre composée entre 1947 et 1949 pour l’orchestre symphonique de Boston a été dirigée lors de la création par Léonard Bernstein. Depuis les plus grands chefs s’y sont confrontés. En 2007 à La Halle-aux-Grains L’orchestre du Capitole l’avait jouée sous la direction d’Ilan Volkov. Toujours à Toulouse en 2014 nous avions entendu le Budapest Festival Orchestra dirigé par Ivan Fischer. Puis en 2016 Gustavo Dudamel avec les jeunes de l’Orchestre Simon Bolivar.
Ce soir l’Orchestre du Capitole est en majesté et va offrir une plénitude sonore rare. L’effectif monumental exigé par la partition occupe toute la scène et déborde un peu de côtés. Avec dix contrebasses et treize percussions, un piano à queue, un célesta et les Ondes Martenot rien que la vue d’un tel orchestre est un vrai bonheur. Au piano Bertrand Chamayou sera très à l’aise, ne faisant qu’une bouchée de la virtuosité de sa partie, apportant beaucoup de poésie dans les moments pacifiques. Le choix de cet enfant du pays toulousain est excellent et a ravi le public. Aux Ondes Martenot nous découvrons Cécile Lartigau, qui vient d’enregistrer cette symphonie avec Andris Nelsons pour Deutsche Gramophone. Elle prend la relève de l’extraordinaire Valérie Hartmann-Claverie qui avait travaillé l’œuvre avec Messiaen et la jouait par cœur. Sans avoir encore toute l’aisance de sa devancière la partie d’onde Martenot par Cécile Lartigau reste la plus belle de la symphonie. Il semble que l’instrument électrique n’a pas été entendu partout. Notre impression de 2014 reste intacte c’est bien l’effet musical surnaturel des Ondes Martenot qui donne toute sa saveur à la partition.

Tarmo Peltokovski Photo: Romain Alacaraz
Quelque soient les qualités de la direction de Tarmo Peltokovski, les lourdeurs de la partition persistent à certains moments. Certes il trouve des contrastes intéressants et sa science de la direction est éclatante dans les moments rythmiques diaboliques. La concentration exemplaire, la tenue de la structure toujours très lisible et l’attention portée à tous les détails permettent une lecture analytique parfaite. La sensualité et la tendresse sont moins réussies. C’est dans les trois derniers mouvements, en un crescendo fulgurant que l’art de Tarmo Peltokovski envoûte. La manière exigeante et presque furieuse dont il obtient les déhanchés dans la musique inspirée d’Amérique du Sud est enthousiasmante. Les instrumentistes de l’orchestre sont très impliqués et superbes de sonorités riches et brillantes, de précision également. Les cuivres tout particulièrement sont majestueux et on reste pantois devant la luxuriance des percussions. Le dernier mouvement nous conduit vers un état de joie proche de la transe tout à fait incroyable. Le tout dernier accord en un crescendo presque infini se termine sur un geste du chef enlevé qui semble adresser au ciel toute la joie et la beauté de la musique. Ce final de symphonie est absolument extraordinaire ce soir. Nous ne pouvons que constater combien l’alchimie entre le jeune chef et l’orchestre fonctionne à merveille et souhaiter, comme Tarmo Peltokovski le dit dans le programme, que ces artistes pourront redonner cette symphonie dans l’avenir. Pas de doute que le chef va maturer son interprétation et atteindre au sublime sur toute la durée de la symphonie déjà parfaitement mise en place et terminée en apothéose. La rentrée de la saison symphonique de Toulouse a été grandiose. La salle de concert hexagonale était pleine à craquer avec plus 2100 spectateurs. Le succès a été total avec des applaudissements nourris. La saison symphonique toulousaine démarre fort.

Cécile Lartigau; Bertrand Chamayou; Tarmo Peltokovski
Hubert Stoecklin