Le directeur artistique de l’Opéra national du Capitole, Christophe Ghristi, passe pour nous en revue les principales dates qui vont émailler le premier trimestre de cette nouvelle saison, marquée, nous le savons bien, par des rendez-vous aussi précieux que prestigieux.
Rencontre.

Christophe Ghristi © Mirco Magliocca
Classictoulouse : Nous entendons encore les derniers soupirs d’Adrienne Lecouvreur que le Capitole résonne déjà des imprécations d’Athanaël. Après 35 ans d’absence de l’affiche capitoline, Thaïs refait son apparition sur la scène du Capitole.
Christophe Ghristi : Oui l’été est passé bien vite ! La saison dernière a été intense et trépidante, jusqu’au triomphe final d’Adriana Lecouvreur en effet. Mais bon, si un opéra n’est pas intense et trépidant, ce n’est pas un opéra… S’il ne nous fait pas vivre de grandes émotions, qu’elles soient tragiques ou jubilatoires, ce n’est pas un opéra. Le public vient nous voir dans cette intention que je sache. Plus que jamais, tel que le public nous l’a encore démontré, je crois en la valeur inestimable de ces moments partagés. Et plus le temps passe, plus je suis convaincu que la justification d’une maison comme la nôtre, est le partage des émotions, de la beauté, de la grandeur, de l’esprit… La programmation doit donc être un acte d’amour, j’ose le mot. Avec Thaïs, nous serons servis ! C’est un immense chef-d’œuvre et il touche, derrière sa façade exotique, des sujets profondément humains, la recherche du sens et de la lumière, notre humaine condition, faite de chair, d’âme et d’esprit. Le sujet développé dans le livret est d’une extraordinaire virtuosité. S’il est signé Louis Gallet il est largement inspiré par le roman éponyme d’Anatole France. Il fait se croiser deux destins contraires. Celui d’un religieux qui va de nouveau être happé par le désir charnel face à une courtisane qui, de son côté, va suivre un chemin de lumière qui la conduira vers sa cathédrale intérieure. Nous voyons donc s’opposer un homme de grande foi, intransigeant, qui va pervertir son institution, et une femme qui va cheminer vers une sainteté qu’évoque sa légende. Ce sujet vertigineux, si l’on veut bien y prêter attention, est porté par une musique totalement ensorcelante. Une aura mystique se trouve ici conjuguée à une sensualité comme Massenet en eut le secret et le génie. L’immense soprano américaine Rachel Willis-Sorensen souhaitait aborder ce rôle. Je n’ai pas beaucoup hésité alors pour proposer au baryton grec Tassis Christoyannis, qui fut chez nous en mai 2024 un prodigieux Golaud, de rejoindre la distribution pour, lui aussi, faire ses débuts dans le rôle d’Athanaël. Il fallait une production, j’ai choisi celle, devenue légendaire depuis sa création à Turin en 2008, mais jamais présentée en France, de Stefano Poda. A la baguette un grand amoureux de la musique romantique française, Hervé Niquet.

Le soprano américaine Rachel Willis-Sorensen fait ses débuts au Capitole où elle chantera sa première Thaïs – Photo : Olivia Kahler
Après ce véritable pilier du répertoire romantique français, vous présentez, en version de concert et pour une seule soirée, l’oratorio de Georg Friedrich Haendel : Theodora. C’est une entrée au répertoire du Capitole ?
Effectivement. Je suis très attentif à ces répertoires des 17e et 18e siècles qui ne sont pas « naturels » dans notre maison car notre orchestre ne leur est pas destiné. Or ils représentent deux siècles sur quatre de création lyrique. Fort heureusement il existe depuis pas mal d’années en France des formations jouant de manière très informée les opéras de Haendel, Lully, Rameau, Monteverdi par exemple, des compositeurs dont le génie est égal à celui de Mozart, Verdi, Puccini, Wagner et autres. Theodora, de Georg Friedrich Haendel, est pour moi un chef-d’œuvre absolu. C’est un opéra sacré contenant ce que le compositeur a écrit de plus merveilleux pour la voix. Cette année j’ai convié l’Ensemble Jupiter sous la direction de Thomas Dunford à faire découvrir cet ouvrage au public toulousain dont l’appétence pour ce répertoire est immense. Il n’y a qu’à se rappeler l’incroyable succès de l’entrée au répertoire du Capitole en février 2025 du Jules César de Haendel.
Ce premier trimestre de la saison 25/26 du Capitole va être également marqué par une nouvelle production du Don Giovanni de Wolfgang Amadeus Mozart dans laquelle vous avez invité le nouveau directeur musical de l’Orchestre du Capitole : Tarmo Peltokoski qui fera ainsi ses débuts dans la fosse toulousaine.
Ce jeune chef très talentueux adore l’art lyrique et a déjà beaucoup dirigé d’opéras en concert mais très peu en scène. Don Giovanni ne sera pas une découverte pour lui car il l’a dirigé auparavant à l’opéra d’Helsinki. Sa venue à Toulouse incluait la direction d’ouvrages lyriques au Capitole et je dois dire que je suis très heureux de l’accueillir si j’ose dire en majesté puisque son arrivée se fait dans le cadre d’une nouvelle production et dans une double distribution.

Pour ses débuts au Capitole, le chef d’orchestre finlandais Tarmo Peltokoski dirigera Don Giovanni – Photo : Romain Alcaraz
Toujours au sujet de ce Don Giovanni, vous avez également invité la Présidente de la Cinémathèque de Toulouse, Agnès Jaoui, par ailleurs figure bien connue du 7e art, pour la mise en scène.
Nous avions une production de Don Giovanni, très belle d’ailleurs mais ancienne, signée Brigitte Jacques-Wajman, créée au Capitole en 2005, reprise en 2007 et 2013. Une maison comme la nôtre se doit d’actualiser un pareil monument du répertoire lyrique. J’ai donc confié cette nouvelle production à Agnès Jaoui, une personnalité bien connue du 7e art, Présidente de la Cinémathèque de Toulouse. Dans ce cadre, Agnès Jaoui est venue à de nombreuses occasions au Capitole, et notre conversation plusieurs fois interrompue et reprise a abouti à cette proposition qu’elle a accueillie avec bonheur je crois. On sait quelle place centrale occupe, dans ses films, le sujet des rapports humains et de la séduction. Don Giovanni était donc une évidence.

Agnès Jaoui, metteur en scène de Don Giovanni – Photo: Carole Mathieu Castelli
Ce Don Giovanni sera donné au cours de 9 représentations convoquant deux distributions parmi lesquelles nous allons retrouver de nombreux membres de la famille capitoline mais aussi de nouvelles voix.
Comme toujours ! Cette famille ne vaut et n’existe que si elle reçoit en permanence du sang neuf. Vous allez donc découvrir un merveilleux ténor germano-turkmène : Dovlet Nurgeldiyev dans le rôle d’Ottavio. Il y aura aussi de nombreuses prises de rôle notamment pour Don Giovanni et Leporello. Après son triomphe ici même dans Idoménée en mars 2024 où elle chantait Elettra, j’avais bien compris que sommeillait chez cette cantatrice une Donna Anna. J’ai donc retenu Andreea Soare pour ce rôle en alternance avec Marianne Croux. Dans cet ouvrage qui ne comporte pas vraiment de seconds rôles, vous allez découvrir aussi de nouveaux chanteurs qui feront leurs débuts sur notre scène.

Annick Massis – Photo: Gianni Ugolini
Le 2 décembre, un récital exceptionnel sera l’occasion pour la grande soprano française Annick Massis de faire ses adieux au public toulousain dans un programme accompagné au piano par Antoine Palloc, un public qui l’a applaudi à maintes reprises dans Les Pêcheurs de perles, Lucrezia Borgia, Mignon, Lucia di Lammermoor et Le Comte Ory.
C’est une des très grandes chanteuses françaises, cela ne se discute pas. Grande autant que discrète mais qui a fait une carrière internationale gigantesque faut-il le rappeler. Je souhaitais qu’Annick Massis revienne une dernière fois à Toulouse pour dire au revoir au public du Capitole. Elle va le faire avec un programme éblouissant comprenant des mélodies bien sûr mais aussi de grands airs d’opéra extraits de Norma, Traviata et bien d’autres. Je veux souligner, si vous permettez, à cette occasion, que le Capitole est une maison qui avance en permanence avec une énergie prodigieuse et, en même temps, une maison dont le socle est fortement ancré dans le passé. Il est important d’être en lien avec ces grands chanteurs, Annick Massis, Roberto Scandiuzzi de nos jours comme nous le fûmes avec la regrettée Béatrice Uria-Monzon. Ce sont des figures tutélaires de notre théâtre, des figures qui l’ont construit.
Un autre récital, s’inscrivant pour sa part dans les Midi du Capitole nous permet de retrouver la mezzo-soprano Adriana Bignagni Lesca que nous avons découverte lors des dernières reprises d’Orphée aux enfers dans le rôle de l’Opinion publique
C’est une voix splendide et une personnalité extraordinaire, extrêmement attachante. Comme il faut dans ce métier programmer très en amont, ce n’est pas toujours évident de faire coïncider des calendriers. Par contre, les Midi du Capitole sont l’occasion idéale pour faire revenir des artistes et ainsi ne pas perdre leur contact. Adriana a mis à son programme une partie classique et une autre issue tout droit du répertoire traditionnel de son pays, le Gabon. J’avoue être sensible à l’inclusion dans ces récitals de musiques des pays d’origine des chanteurs. Cela nous fait voyager et nous apprend beaucoup et, de plus, ils en sont les meilleurs ambassadeurs. Vu la flamboyance de cette cantatrice je pense que nous ne sommes pas prêts d’oublier le rendez-vous qu’elle nous donne !

Adriana Bignani Lesca – Photo : DR
La fin de ce trimestre répond si l’on peut dire à une tradition fermement installée dans la programmation du Capitole, celle d’un concert du Chœur autour du thème de Noël, sous la direction de son chef titulaire Gabriel Bourgoin.
Après le Gabon direction la Grande Bretagne et son répertoire traditionnel de Noël. Cette année, en plus, le programme prendra le chemin du jazz et de la comédie musicale. Que de la musique réjouissante, c’est l’époque, avec aussi plein de tubes et de découvertes. Le Chœur du Capitole a dorénavant une importante activité de concert, au plus haut niveau, comme en a encore témoigné le Carmina Burana donné en juin dernier. Après ces concerts, le Chœur se produira à Beauzelle, dans la Métropole, puis à l’Archipel à Perpignan. Et je suis heureux que nous ayons trouvé en la personne de Gabriel Bourgoin un excellent chef de chœur formidablement à son aise en concert.
En parlant du Chœur, c’est le moment d’aborder le premier spectacle du Ballet du Capitole, un spectacle qui sera un hommage à Ravel, un spectacle qui va réunir pour 7 représentations au mois d’octobre l’Orchestre du Capitole, le Chœur du Capitole, le Ballet du Capitole et tout cela sous la direction du chef français Victorien Vanoosten, celui-là même que vous avez fait débuter à Toulouse lors des dernières reprises des Pêcheurs de perles.
Faut-il rappeler que le Ballet du Capitole a été récompensé par le Syndicat national de la Critique en étant nommé Meilleure Compagnie chorégraphique de la saison 2024/2025. Avec Beate Vollack, la directrice de la danse, nous veillons à inviter des chorégraphes de renommée internationale afin de conserver le prestige et le niveau de cette Compagnie, Edward Clug et John Neumeier dernièrement en sont les témoins. Pour cet hommage à Ravel ce seront Johan Inger et Thierry Malandain pour son Daphnis et Chloé dont le Capitole a assuré la création mondiale en juin 2022. Le Capitole a aussi une caractéristique à laquelle je tiens énormément : le niveau musical de nos spectacles de ballet. Chaque fois que cela est légitime, l’Orchestre national du Capitole est dans la fosse pour accompagner le ballet. Le Boléro de Johan Inger est l’une des plus puissantes chorégraphies posées sur cette partition. Quant à Thierry Malandain, il traverse ce Daphnis et Chloé en se laissant porter par cette partition sublime, en harmonie permanente avec l’immense poésie qu’elle contient. Sa chorégraphie est infiniment musicale et jamais en décalage avec la musique de Ravel. Et évidemment il faut un chef de premier ordre pour diriger de tels chefs-d’œuvre, ce qui est le cas de Victorien Vanoosten.

Victorien Vanoosten – Photo : DR
La toute fin de l’année 2025 verra le retour toujours très attendu du ballet de Piotr Ilitch Tchaïkovski : Casse-noisette, accompagné par l’Orchestre du Capitole sous la direction de Marzena Diakun dans une chorégraphie de Michel Rahn. Il n’est pas très sûr que les 9 dates retenues pour ce spectacle soient suffisantes…
Marzena Diakun est une cheffe d’orchestre polonaise que j’ai eu la joie de découvrir récemment. Elle vient d’être nommée directrice de la Rheinische Philharmonie à Coblence. Le spectacle fait partie, comme certains opéras d’ailleurs, de notre « stock ». La chorégraphie de Michel Rahn, les décors, les costumes et les lumières sont dans la plus pure tradition de ce ballet, une tradition qui émerveille petits et grands, notre public en cette période de fin d’année. Et encore une fois, l’Orchestre national du Capitole sera dans la fosse pour interpréter cette magnifique partition. C’est une production restaurée par nos ateliers que nous présentons à cette occasion. Redisons une fois encore le travail exceptionnel de nos ateliers de décors, costumes et maquillage tout au long de la saison, ainsi que le travail technique au plateau qui nous permet de présenter des spectacles toujours parfaitement aboutis. Ce soin artisanal est l’une des marques de fabrique de notre maison et il est éclatant à chaque lever de rideau.
Propos recueillis par Robert Pénavayre
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