Disque phare de l’histoire du rock, « Made in Japan », de Deep Purple, est réédité en fastueux coffret. De quoi offrir de sacrés frissons aux quelque 10000 fans qui avaient assisté au dernier concert toulousain du groupe anglais, le 17juin 2024, au Zénith.

La fameuse pochette de « Made in Japan »…avec des photos Made in London. Photo Universal
Créé en 1968, Deep Purple semble increvable. Le quintette, dont les membres ont changé au gré des multiples reformations, a survécu à tout : excès en tout genre, brouilles plus ou moins longues, fluctuations musicales parfois erratiques selon les époques. C’est en revenant aux bases, à ce hard rock dont Deep Purple fut l’un des créateurs, que le groupe anglais s’est assuré une pérennité impressionnante, comme l’ont encore constaté les spectateurs du Zénith de Toulouse le 17 juin 2024. Ce soir-là, trois musiciens historiques étaient sur scène : Ian Gillan au chant, Roger Glover à la basse et Ian Paice à la batterie. Et ils ne s’étaient pas économisés malgré les années. On les retrouve, au faîte de leur gloire, il y plus d’un demi-siècle, aux côtés de Richie Blackmore à la guitare et Jon Lord à l’orgue et au piano, lors de concerts devenus mythiques. Nous sommes les 15, 16 et 17 août 1972 à Osaka. Deux albums ont fait la gloire de Deep Purple, « In rock » (1970) et « Machine Head », où figure le diabolique « Smoke on the water»(1972). Gloire qui s’est étendue jusqu’au Japon puisque plus de 12000 fans sont présents à chaque concert, enthousiastes, certes (« ils connaissaient par cœur les paroles de Child in Time », se souvient Roger Glover, stupéfait), mais bien plus sages que le public anglais.
7 titres au long cours, 76 minutes de folie
Ces soirées survoltées – au moins sur scène – donneront lieu à un double album live, « Made in Japan », qui marquera son époque et restera une référence absolue dans le registre du rock. 7 titres seulement figurent au programme mais ils sont étirés en fonction des multiples solos (pour une durée totale de 76 minutes). Rayon tubes, il y a bien sûr « Smoke on the water » et son intro célébrissime ; « Highway star », qui ouvre le bal avec l’orgue Hammond de Jon Lord (instrument tout aussi essentiel que la Fender de Richie Blackmore) et le bluesy « Strange Kind of woman » (ou perce, au-delà de la virtuosité, l’humour et la jubilation des musiciens). Les autres titres, « Child in time », « The mule », « Lazy » et le fracassant finale « Space truckin » montrent à quel point Deep Purple cherche, plus encore qu’un son énorme, à explorer les confins du rythme et des mélodies, à la manière du rock progressif voire des jazzmen versés dans l’improvisation et l’expérimentation.
« La chose la plus cool qu’on puisse revivre »
Le coffret édité à l’occasion du cinquantenaire (et un peu plus) de « Made in Japan » a de quoi ébouriffer les hardeux du premier jour. On y trouve l’album d’origine – et son cadre tout doré -, remixé par Steven Wilson, le leader de Porcupine Tree ; chacun des trois concerts d’Osaka, remixés par Richard Digby Smith, fameux ingénieur du son (pour Led Zeppelin, Bob Marley, etc.) ; un 5e CD, enregistré à Osaka et Tokyo avec trois titres supplémentaires (« Black night », « Speed king » et « Lucille », un blues de derrière les fagots) ; un Blu Ray audio de « Made in Japan » pour un son Dolby Atmos et DTS 5.1 Surround encore plus impressionnant ; une affichette d’époque et le programme en japonais. Pourquoi donc avoir tant de variantes de cette poignée de concerts ? Lars Ulrich, de Metallica, répond dans le solide livret de 40 pages qui fait partie du lot : « Chaque version en public, chaque enregistrement est différent d’un soir sur l’autre. Richie joue des solos différents, Ian Gillan chante des paroles différentes, Ian Paice impulse des rythmes différents. Ces concerts sont la chose la plus cool qu’on puisse revivre : vous ne savez jamais exactement ce qui va suivre. »
D’autres stars du hard rock (Slash, ex-Guns n’ Roses, Bruce Dickinson, d’Iron Maiden, Rick Nielsen, de Cheap Trick, etc.) disent dans le livret à quel point « Made in Japan » a compté pour eux. On y apprend aussi que l’album live fut l’un des plus rentables de l’histoire, l’enregistrement n’ayant coûté que 3000 dollars alors même qu’il « sonnait super bien », dixit Jon Lord, et possédait une « qualité phénoménale pour un live », selon Ian Gillan. Quant aux photos illustrant la pochette (et le livret d’aujourd’hui), elles ne furent pas prises au Japon (où le public avait l’habitude de rester assis) mais à Londres, où l’atmosphère était nettement plus explosive !
Coffret « Made in Japan/ 6 discs Deluxe Anniversary Edition » de Deep Purple (Universal). Existe en version vinyle 2 LP.