Critique. Concert. Festival de Salon de Provence. Cour du château de l’Empéri, le 31 juillet 2025. Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Quintette à cordes n°5 en ré majeur K.593 ; Heinrich Hofman (1842-1902) : Sérénade Op.65 ; César Franck (1822-1890) : Quintette pour piano et cordes FWV 7 en fa mineur ; Natalia Lomeiko, Daishin Kashimoto, violon ; Amihal Grosz, Jaoquin Riquelme Garcia, alto ; Zvi Plesser, violoncelle ; Olivier Thiry, contrebasse Emmanuel Pahud, flûte ; Éric Lesage, piano.
Délicieuse musique de chambre en plein air à Salon de Provence
Ce soir le Mistral a lâché la partie, le public nombreux est là. Le concert nous propose des œuvres rares et délicates. Le 5ème Quintette pour cordes de Mozart est une œuvre peu séduisante de premier abord, non de style galant, pas non plus de virtuosité affichée, mais une grande beauté formelle et une profondeur rare le caractérise. La présence des deux alti et du violoncelle donne une couleur assez sombre à l’ensemble. C’est une œuvre un peu rude et complexe et j’en ai vu plus d’un vérifier dans le programme que nous écoutions bien du Mozart. Cette œuvre est en fait très profonde et sa beauté est cachée. Il faut des interprètes inspirés pour nous en révéler toutes les saveurs. Nos cinq musiciens ce soir sont très engagés. Natalia Lumeiko est un premier violon très beau qui prend la parole avec élégance. Dans l’Adagio les questions-réponses avec le violoncelle de Zvi Plesser sont de grande qualité. L’entente entre tous les musiciens a parfaitement fonctionnée et nous avons eu de belles nuances, des phrasés douloureux. C’est une très belle interprétation toute en intériorité jusqu’au final plus extraverti. L’Allegro final permet aux musiciens de jouer avec entrain le rondo qui semble tourner sur lui-même jusqu’à épuisement. Écouter du Mozart ainsi en plein air c’est un moment de sérénité pour le public et je pense également pour les artistes qui interprètent ce compositeur.
La sérénade d’Heinrich Hofman est à nouveau une divine surprise. Bien que prise pour de la musique de salon c’est une œuvre de musique pure. C’est-à-dire qu’elle ne cherche pas à se ranger dans une catégorie ou une époque. La distribution instrumentale est originale et permet des associations de timbres savoureux. Ainsi la flûte n’est pas mise en valeur par sa virtuosité mais par ses couleurs. Les deux violons et l’alto sont de même utilisés pour des effets de timbres, de couleurs complémentaires plus que pour leur virtuosité. Le violoncelle est le maitre du chant sans épanchements trop langoureux. El la contrebasse donne du corps et solidifie la structure sans lourdeur. C’est beau, varié et les musiciens semblent prendre un grand plaisir à jouer cette œuvre. Emmanuel Pahud est avec sa flûte l’élégance même. Les couleurs qu’il apporte sont moirées. L’œuvre en quatre mouvements dont trois allegros avance avec facilité vers un final dansant. L’andante en place de deuxième mouvement est plus mélancolique. Il est de belle facture. La flûte y a un rôle rhétorique en dialogue avec les autres instruments. C’est dans ce mouvement lent que les timbres s’apparient où se complètent le mieux. Les deux allegros suivants retrouvent l’énergie élégante du début. Cette sérénade a eu beaucoup de succès et a été très applaudie.
Après l’entracte le grand quintette avec piano de César Franck va clore le concert. Éric Lesage rejoint les cordes. C’est un grand plaisir de retrouver cette œuvre qui n’a pas les faveurs qui lui sont dues. Car ce quintette non plus ne cherche pas à séduire, il est comme de la musique pure. Très énergique, il ne mettra en valeur aucun instrument au contraire recherchant une collaboration de chaque instant entre les musiciens. Dès le début le ton est large le son est compacte cela résiste à l’avancée. C’est le piano qui va donner un peu d’énergie et le développement devient plus avenant. Le mouvement lent est également empreint d’un certain poids. La beauté des sons amène presque à une sorte de saturation. Daishin Kashimoto en premier violon est très volontaire et cherche à faire avancer par une belle énergie. Ce qu’il fait est très beau mais toujours ce poids général résiste. C’est vraiment une musique très particulière. Sa beauté provient de l’ampleur du son. Le succès a été retentissant et les musiciens eux même semblaient heureux de leur prestation.
Nous avons bénéficié d’une belle soirée musicale à Salon avec une météo parfaite sous les étoiles dans l’acoustique idéale de la cour Renaissance du Château de l’Empéri.
Hubert Stoecklin : texte et photos.