Queer, un film de Luca Guadagnino
La vie de William S. Burroughs (1914-1997), immense écrivain américain, symbole de la Beat Generation, n’est pas nécessairement un modèle moralisateur… Ses romans en sont le témoignage. Le réalisateur du magnifique et oscarisé Call me by your name, qui avait fait découvrir Timothée Chalamet en 2017, s’empare de l’un d’eux : Queer, écrit au début des années 50 du siècle dernier et publié seulement en 1985.

Daniel Craig (William) et Drew Starkey (Eugène) – Crédit : The Apartment SRL
Le scénario, fidèle, nous transporte donc au milieu du 20e siècle, à Mexico. Là nous faisons connaissance avec William Lee, le double de l’écrivain. Il mène une vie d’expatrié, sans occupation particulière mis à part la recherche d’un partenaire. Dans un bar il croise le regard du jeune Eugène Allerton. De vingt ans son cadet, Eugène prend des photos de ce Mexico haut en couleurs. Les deux hommes vont finir par se parler. Et bien davantage… William propose au jeune homme de l’accompagner en Amérique du Sud, dans la jungle équatorienne, à la recherche d’une plante hallucinogène, le yagé, développant le phénomène de télépathie. C’est la seconde partie du film. Ils finiront par rencontrer une doctoresse, plus ou moins chamane, qui leur fera absorber ladite drogue. Auparavant, elle les aura prévenus. Le yagé ouvre des portes qui ne peuvent plus se fermer et obligent à poursuivre le « voyage ». Eugène, souvent accompagné d’une flamboyante rousse, refuse d’accepter, malgré tout, son homosexualité…
Tourné entièrement à Cinecittà, à Rome, jungle comprise, le dernier opus en salle de Luca Quadagnino peut incommoder, voire choquer des spectateurs car les relations physiques entre les deux hommes, pour aussi brèves soient-elles, et loin de faire l’essentiel du film, sont malgré tout explicites. Le film est d’ailleurs interdit aux moins de 12 ans ! A vrai dire, le plus difficile dans ce film aux épisodes psychédéliques étourdissants, est d’appréhender James Bond, alias Daniel Craig, ici William, se glissant dans ce personnage. Souhaitant briser l’image 007, l’acteur en fait des tonnes et finit par ne plus être crédible, tutoyant parfois le ridicule. D’autant que, face à lui, Drew Starkey, un jeune acteur américain à peine trentenaire, irradie l’écran par son charisme, sa distance et sa retenue. Il devient rapidement l’élément central autour duquel tourne de manière pathétique William, mais aussi et surtout, l’intérêt principal du film, creusant de facto la problématique de l’acceptation de soi et le courage de regarder dans le miroir de son âme.
Assurément pour la découverte d’un acteur sobrement éblouissant. Quant à l’univers de William S. Burroughs…