Pérégrinations gastronomiques, solides et liquides, à Toulouse et parfois un peu ailleurs.
A la recherche de nouvelles tables susceptibles de nous accompagner durant l’automne et l’hiver, nous sommes allés déjeuner l’autre jour à Terra Tolosa (2, rue Tolosane), où officiait précédemment Philippe Ducos à la tête de Place Mage qui avait de son côté pris la succession de Chez Fazoul, institution ayant accompagné plusieurs générations de Toulousains. C’est désormais Yoren Larger, découvert au M, le restaurant du domaine de Montjoie à Ramonville, qui occupe les fourneaux en proposant à déjeuner une formule entrée/plat/dessert à 25 euros dans ce lieu où les briques roses font partie du décor.
Efficace et sans esbroufe
Ce jour-là, deux entrées (Cromesquis de veau confit, fondue de poireaux et ketchup de prunes rouge / Ceviche de maigre de ligne, citron, coriandre et mousse wasabi), trois plats (Lomo, caviar d’aubergines, carottes rôtis et crème ratatouille / Espadon mi cuit, petit épeautre, jardinière de légumes et émulsion de la mer / Conchiglionis à la brousse de brebis, poêlée de champignons et crème parmesan) et deux desserts (Entremet financier coco et fruits exotiques / Mini choux vanille et caramel) étaient soumis aux papilles d’une salle pleine. L’entrée – le cromesquis (deux jolies pièces bien bombées) – remplit parfaitement son rôle ainsi que le lomo, à la cuisson idoine, avant un dessert tout en fraîcheur et légèreté. Une carte des vins, ajustée et maligne, dans laquelle nous optâmes pour un délicieux beaujolais de Rémi Dufaitre, seconde cette cuisine efficace, sans esbroufe, que l’on a envie de découvrir le soir.
Oublions le panais
Non loin de là, au 6 bis, rue du Canard, s’est installé Combustible avec en cuisine Virginie Guitard, au parcours déjà bien rempli. Pas de menu, mais une carte assez variée, notamment avec quatre entrées parmi lesquelles une terrine aux câprons saumurés ou un carpaccio de daurade avec avocat, mangue et yuzu. Notre choix se porta sur des « Gambas en robe de kadaïf, mayonnaise sriracha », bonnes mais un brin fugaces. Dans les plats, le bœuf est fièrement représenté avec des côtes à partager, un faux-filet au « beurre ardent » ou un pavé au jus de viande. Au « Dos de cabillaud, carottes rôties, jus de betterave réduit » et au « Velouté de patate douce et burrata », nous préférâmes l’« Epaule d’agneau confite, crémeux de panais, jus gras épicé ».
Ah, le panais ! Dix ans (quinze ans ?) que ce « légume oublié » occupe imperturbablement les assiettes des restaurants. En velouté, en soupe, en purée, en frites, en chips, en gratin (on en passe) : on n’y échappe pas. Avouons qu’ici le jus d’agneau joliment corsé fit passer la pilule de panais avant qu’une remarquable pavlova aux poires ne renvoie l’encombrant légume au rayon qu’il n’aurait jamais dû quitter : l’oubli. Notons encore parmi les desserts une assiette de fromages de chez Deux Chavanne et une « Ganache chocolat 70 %, crumble au chocolat, noix de pécans caramélisées ». Dans la carte des vins minimaliste (dix blancs, dix rouges), un rouge du Lubéron (Domaine Guillaume Gros), que l’on nous conseilla, se révéla un sympathique compagnon, plein de fruit et de caractère.
Saveurs balkaniques
A propos de vin, s’il faut saluer la belle et large sélection de La Boutique des vins (23, place des Carmes), on n’oublie pas « la petite sœur », La Boutique des saveurs (1, rue Ozenne) qui présente la particularité – outre son offre pointue en épicerie fine – de proposer des vins étrangers. C’est en allant voir si un rouge des Pouilles de Cosimo Taurino ne se trouvait pas dans ses rayons que nous sommes tombés sur un domaine qui aiguisait notre curiosité depuis des années, en l’occurrence Francuska Vinarija. Car La Boutique des saveurs ne met pas en valeur que des vins d’Italie, d’Espagne, d’Allemagne, d’Australie ou du Portugal, mais aussi des flacons venus du Proche-Orient, à l’image des références de Château Musar, l’un des meilleurs domaines libanais, ou des Balkans.
A Rogljevo, petit village de Serbie de l’Est, un couple de vignerons bourguignons – Estelle et Cyrille Bongiraud – ont découvert voici un peu plus de quinze ans une région – la Negotinska Krajina – où l’on produisait du vin depuis des siècles avant que la viticulture ne tombe en déshérence. Les Français décidèrent donc de ressusciter ce vignoble en cultivant cépages classiques et autochtones sur une poignée d’hectares afin de produire quelques milliers de bouteilles. Agriculture biologique, faibles rendements, vinification la plus naturelle possible, vendanges manuelles, utilisation minimale du soufre : voilà pour l’art et la manière du domaine qui s’illustre autant dans les vins tranquilles, les pétillants naturels que les blancs et les rouges. C’est d’ailleurs un rouge, le premier millésime (2019) de la cuvée Slava (100 % prokupac), que nous avons dégusté. Frais, gourmand, profond mais avec une belle acidité, le vin révéla après un passage en carafe des notes de cerise et de mûre. Une belle réussite.
Puisque l’on parle de vin, signalons que Le Temps des Vendanges (9, place de l’Estrapade) d’Eric Cuestas proposera le samedi 4 novembre – en avant-goût des beaujolais primeurs – la dégustation d’un fût de vin nouveau du domaine du Clos du Tue-Bœuf où Thierry Puzelat et les siens honorent, entre Touraine et Cheverny, les vins de Loire. Les réjouissances auront lieu de 10h30 à 19h30.
> DANS L’ASSIETTE ET DANS LE VERRE