Le nouveau roman de Rachel Joyce met fin à une trilogie débutée il y a dix ans avec un premier opus intitulé mystérieusement La lettre qui allait changer le destin d’Harold Fry arriva le mardi. Ce livre, formidablement juste, émouvant, vibrant, vient d’ailleurs d’être adapté pour le cinéma.
Suivi trois ans après par La lettre de Queenie, elle trouve à présent une sorte d’accomplissement avec cet Etonnant Voyage de Maureen Fry. Celle-ci est bien sûr l’épouse d’Harold. Depuis le retour de ce dernier dans la maison familiale, ils mènent tous deux une vie bien rangée, méticuleuse et amoureuse. Harold a fait le point, si l’on peut dire, sur le drame qui les a frappés : la mort de leur fils David. Les mille kilomètres, à pied, vers l’hôpital dans lequel sa vieille amie Queenie vivait ses derniers jours, ses rencontres le long de sa pérégrination, tout cela a participé à ce chemin de rédemption salutaire. Pendant ce temps, Maureen, demeurée seule à la maison, vit dans le culte du disparu. Rien n’a changé et chaque regard l’y ramène. Harold, conscient des bienfaits de son pèlerinage, poussait depuis quelque temps sa femme à l’imiter. Mais voilà, Maureen se fait beaucoup de souci quant au quotidien d’Harold si elle n’est pas là. Comment va-t-il s’habiller, se nourrir, etc. Sauf que ce matin, alors que son époux dort du sommeil du juste, Maureen ose le grand pas. Nous sommes en hiver, elle se couvre chaudement, prend un thermos de café et des sandwiches, ouvre la porte et s’en va… en voiture. Oui, elle a prévenu Harold, si elle doit faire ce voyage vers le jardin de Queenie, elle ira en voiture. Juste un aller-retour, mais elle veut voir ce fameux jardin dans lequel Queenie a dédié un endroit à David. Un jardin tellement extraordinaire, qu’il est devenu une attraction locale. Bien sûr le trajet va se révéler moins simple que prévu. Maureen, jusqu’alors confinée dans sa petite maison, en proie à de sérieuses difficultés relationnelles, va devoir s’adresser aux autres pour parvenir à ses fins. De rencontres en rencontres, parfois cocasses, parfois douloureuses, Maureen va découvrir l’univers qui l’entoure. Un univers fait de petites choses, simples, naturelles et, le plus souvent, bienveillantes. Elle va finir par lâcher prise, entamer ce que l’on appelle cruellement un travail de deuil, faire la paix avec elle-même et revenir sourire à la vie. En affrontant enfin le drame terrible qu’elle a vécu. Sans vouloir plagier le fabuleux cycle schubertien intitulé Le Voyage d’hiver, c’est pourtant un peu à lui que ce roman nous fait penser. Avec ses changements de décor, d’ambiance, ses ombres et ses lumières.
Fidèle à son style, Rachel Joyce utilise toujours un langage simple et une écriture éloignée de toute afféterie. Elle nous va droit au cœur. Encore une fois.
« L’Etonnant Voyage de Maureen Fry » – XO Editions