Le samedi 5 août à 22h (en plein air) et le dimanche 6 à 19h, la Cinémathèque de Toulouse projettera Taxi Driver de Martin Scorsese, chef-d’œuvre devenu un classique.
Un taxi jaune s’enfonçant dans la nuit new-yorkaise, le dialogue de Travis Bickle / Robert De Niro avec son reflet dans une glace (« You talkin’ to me ? »), la coupe d’Iroquois du même de Niro, Jodie Foster en prostituée âgée de douze ans, le bain de sang final : par ses images, ses personnages et ses dialogues, Taxi Driver, cinquième long métrage de Martin Scorsese et Palme d’Or 1976, est entré dans l’histoire du cinéma.
S’il ne s’agit pas du film le plus accompli du futur réalisateur des Affranchis, de Casino, des Infiltrés ou du Loup de Wall Street, il pose trois ans après Mean Streets (où il dirigeait pour la première fois De Niro) les fondements d’une œuvre habitée par le péché et la rédemption. Sur un scénario de Paul Schrader (qui signera ceux de Raging Bull, La Dernière tentation du Christ et À tombeau ouvert – ce dernier étant une relecture de Taxi Driver), Scorsese filme, notamment au gré de travellings qui deviendront sa signature, la dérive d’un chauffeur de taxi, ancien du Vietnam, mi psychopathe mi schizophrène, homme ordinaire souffrant de solitude qui faute d’amour va basculer dans une croisade purificatrice.
Qui veut faire l’ange fait la bête
Travis Bickle est écœuré par le délitement de cette ville qu’il arpente à bord de son taxi la nuit, par la violence, la prostitution, la drogue, mais il ne quitte pas ces bas-fonds qui le fascinent. Tout Travis est là, dans un mélange de candeur et de perversité inconsciente. À l’image de la romance avortée avec une jeune femme BCBG qu’il amène au cinéma pour leur première sortie – comme tant de couples normaux – mais dans un cinéma… porno car tel est son quotidien inversé. Après cette déception, il se met en tête de sortir de la prostitution une adolescente qui ne veut pas de cet ange gardien naïf.
Puisque le Bien se refuse à lui, Travis se tourne vers le Mal. L’ange exterminateur sculpte son corps, s’entraîne au maniement des armes dans son appartement face à des ennemis imaginaires. Il échoue à assassiner un homme politique, se rattrape sur des petites frappes (dont le souteneur de la jeune prostituée) et rate son suicide… Dans cette Amérique taraudée par le Vietnam et le Watergate, où toutes les valeurs sont brouillées, Travis Bickle, tueur minable, devient une « vedette » et accède à son quart d’heure de célébrité. Le calviniste Schrader disait s’être inspiré de Notes du souterrain de Dostoïevski et du Journal d’un curé de campagne de Robert Bresson (d’après Bernanos) pour Taxi Driver. Le catholique Scorsese voyait son héros dérisoire et pathétique comme le croisement « entre Charles Manson et saint Paul ». De fait, on n’oublie pas Travis Bickle.