C’est au jeune chef invité Lio Kuokman qu’a été confiée cette année l’animation des concerts traditionnels du Nouvel An de l’Orchestre national du Capitole. Dès la première des trois rencontres programmées, le 30 décembre 2022, l’effervescence musicale n’a pas manqué de gagner l’ensemble des participants, musiciens et publics confondus.
Cette année encore, l’engouement des Toulousains pour ces manifestations festives n’a pas fait défaut. Peut-être même a-t-il atteint une sorte d’apothéose probablement liée aux conditions particulières de ces trois dernières années. Toujours est-il que la Halle aux Grains a dû afficher complet pour les trois présentations de ce programme musical concocté par l’administration, les musiciens et l’invité principal. Souvenons-nous que le 16 octobre 2020, l’Orchestre et le public toulousain découvraient un nouveau talent de chef d’orchestre et également de pianiste en la personne de Lio Kuokman, natif de Macao. Il avait d’ailleurs à la fois dirigé l’orchestre et tenu la partie de piano du triple concerto de Beethoven ! Il récidive cette année un tel exploit.
Leonard Bernstein et George Gershwin animent chacune des trois rencontres prévues. Et c’est avec l’ouverture de la brillante comédie musicale de Bernstein, Candide, que débutent ces festivités. Car il s’agit bien ici d’une fête. Cette partition colorée et contrastée, portée à l’incandescence par des musiciens survoltés, pétille sous la direction précise, dynamique et pleine d’énergie de Lio Kuokman. Du même Bernstein, les “Three dance episodes” extraits de son autre comédie musicale On the town viennent titiller la fibre jazzistique des musiciens. On leur découvre là des talents rarement révélés. Saluons en particulier le brio des solos de trompette et de saxo qui attirent les applaudissements spontanés du public et les remerciements appuyés du chef.
L’entrée en scène du piano annonce l’œuvre suivante, un tube universel signé George Gershwin, sa fameuse Rhapsody in Blue, composée pour piano et jazz band puis orchestrée en 1924 par Ferde Grofé. Lio Kuokman dirige sans partition depuis le clavier cette pièce délicate et virtuose dont il fait rutiler tous les aspects. Le célèbre solo de clarinette en glissando, joué avec intensité par Floriane Tardy, ouvre l’œuvre qui bénéficie d’une balance sonore à la fois dynamique et équilibrée entre le piano solo et les différents pupitres de l’orchestre. Admirons la précision avec laquelle le chef-pianiste mène cette confrontation jubilatoire, alternant les passages “canailles” et les manifestations de vigueur. Les solos de clarinette (bien sûr) mais tout autant ceux de trompette, de cor, de trombone viennent épicer cette effervescence irrésistible du discours. Il faut souligner la grandeur, la beauté, la perfection technique et expressive des interventions décisives du piano. En particulier, chaque cadence constitue un défi que Lio Kuokman relève avec panache et grandeur, mêlant la poésie à l’énergie de son jeu lorsque l’écriture l’exige.
Le dernier volet de ce programme constitue lui aussi un “must” de Leonard Bernstein. Le drame lyrique autant que comédie musicale, West Side Story, a marqué des générations entières. Les Symphonic Dances, extraites de l’œuvre, sont jouées en guise de conclusion. Les neuf sections qui se succèdent constituent un résumé du drame dans toutes ses composantes. La tendresse, la violence, le lyrisme, la fantaisie engendrent un véritable kaléidoscope musical. Les musiciens s’impliquent entièrement dans le déroulement de l’œuvre, depuis les claquement de doigts du Prologue jusqu’aux traditionnels et sonores “Mambos !” lancés dans la section éponyme. La direction du chef, pleine de relief et de passion, stimule l’ensemble des musiciens qui offrent le meilleur d’eux-mêmes. Cette rutilance sonore est finalement ovationnée par un public dans lequel on observe la présence de familles, de jeunes et d’enfants. Lio Kuokman félicite chaque soliste et chaque pupitre alors que les musiciens eux-mêmes applaudissent chaleureusement leur chef invité.
Un double bis prolonge encore la soirée. A la célèbre “Sleigh Ride”, aussi connue sous le nom de “Promenade en traîneau”, de Leroy Anderson, succède le retour de l’irrésistible épisode “Mambo” de West Side Story. Et la fête continue…
Serge Chauzy
une chronique de ClassicToulouse
Orchestre national du Capitole