Mano de Obra, un film de David Zonana
Ne cherchez pas la filmographie de ce jeune réalisateur mexicain à peine trentenaire, Mano de Obra est son premier long-métrage. Et une incontestable réussite autant technique que dramatique. Pourtant le pari était osé. Souhaitant parler de la fracture sociale sévissant dans son pays, David Zonana fait le choix de la transposer dans l’univers du bâtiment. Il nous met donc en présence d’une équipe d’ouvriers en pleine finition d’une somptueuse villa. Dès les premières images, le drame survient. Un ouvrier tombe du toit et meurt. C’était le frère d’un autre ouvrier sur ce chantier, Francesco. Ce dernier décide donc de demander les dédommagements dus à la veuve de son frangin, enceinte déjà de plusieurs mois. Il se heurte à un mur de non-dits ayant pour seul but de ne rien payer du tout, le propriétaire renvoyant Francesco d’avocats en employés d’une administration dont on doute sérieusement de l’objectivité. Francesco décide alors de se venger. Il va le faire d’une drôle de manière…
Privilégiant les plans fixes et contrôlant des cadrages d’une étonnante virtuosité pour un quasi débutant, le réalisateur dirige un seul comédien professionnel : Luis Alberti, Francesco gagné par la haine mais qui finira par adopter d’étranges attitudes par la suite. Mais chut. Ceci est à découvrir, comme d’ailleurs l’ensemble des autres comédiens d’un jour, tous rencontrés par le cinéaste au cours de son immersion dans l’univers des chantiers, des ouvriers donc, plâtriers, peintres, plaquistes, électriciens, plombiers, etc. Cela donne évidemment un ton assez éloigné de ce que les professionnels du 7é art peuvent faire entendre sur grand écran. Un ton tellement authentique qu’il est parfois dérangeant de s’immiscer au cœur de cette communauté improbable croyant en un avenir forcément illusoire.
Evidemment, on pense beaucoup au Parasite de Bong Joon-ho. Et comment faire autrement. En apparence moins violent que le film de son confrère sud-coréen, le long mexicain, dans son parti-pris de froideur et de retenue n’en demeure pas moins une diatribe d’une exceptionnelle virulence quant à la corruption qui gangrène ce pays et la forme d’esclavagisme moderne que prennent les relations professionnelles. Un film puissant et un réalisateur à suivre sans faute !
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