Le 8 février, à la Halle, c’est donc le retour de la symphonie préférée de Mahler, sa carte de visite auprès des orchestres, parmi les plus jouées alors et maintenant. Tugan Sokhiev y revient aussi, en ce même lieu, en dirigeant son orchestre, l’ONCT, le Chœur de l’Orfeon Donostiarra (chef de chœur J.A Sàinz Alfaro), la soprano Jeanine de Bique et la contralto Janina Baechle.
Auparavant, vous aurez assisté au concert dit HAPPY HOUR du samedi 1er février, placé sous la direction du pianiste David Fray qui sera aussi à la direction de l’orchestre. Au programme, deux concertos pour clavier de Jean-Sébastien Bach puis le concerto n°24 de Wolfgang Amadeus Mozart.
La Deuxième Symphonie en ut mineur de Mahler : son voyage épique, de la mort à la vie post-mortem, œuvre dont il dira : « Ma Deuxième pourrait-elle cesser d’exister sans perte irréparable pour l’humanité ? » En tous les cas, c’est parti pour au moins quatre-vingt minutes de musique, et de chant.
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Quelques mots sur la N°2
Quatre-vingt minutes de, musique à programme ? Ou musique absolue ? le duel continue. Pourtant plusieurs déclarations de Gustav Mahler lui-même ne laissent planer aucun doute sur le caractère autobiographique de bien de ses œuvres. La deuxième symphonie, qui fait partie du cycle les « Symphonies Wunderhorn », a bien son programme que le compositeur a communiqué à différents destinataires par des entretiens et des lettres. Ainsi, celui de la symphonie qui nous occupe a été communiqué au moins dans trois versions différentes par leur diction et par quelques détails mais qui conservent toutes les mêmes images, les mêmes représentations et les mêmes cheminements de pensée. On sait que plus tard, il les reniera.
Pour ceux que cela pourrait intéresser, sachez que « la dernière version », nous la trouvons jointe à une lettre du 15 décembre 1901 adressée à Alma Mahler, pardon Schlinder ! car pas encore l’épouse de,…Trop longue, elle ne vous sera pas offerte ici !!
Revenons à notre Deuxième qui concerne bien l’homme, et dont le programme formule des problèmes métaphysiques et des questions relatives à la philosophie de l’existence. La symphonie ne fait pas que reconnaître la mortalité. Elle tente d’en donner à l’humanité une expérience sonore, et non seulement de la mort mais aussi de l’au-delà. La mort était purement et simplement le point de départ de Mahler.
Ce qu’elle exige en effectifs permet de comprendre qu’elle rebute bon nombre de structures, car c’est une vraie gageure de réunir autant de musiciens, plus les chœurs, ici, un des meilleurs chœurs européens, et les deux voix solistes. C’est pourquoi nous nous devons de profiter de l’opportunité offerte à Toulouse, de pouvoir assister à l’exécution de ce monument mahlérien !!
Effectif orchestral : il est énorme. Il varie en fonction des possibilités. Les pupitres de cordes occuperont le moindre espace laissé par les autres musiciens. Les bois ou vents sont à la fête puisqu’on peut retrouver jusqu’à 8 flûtes et piccolos, 7 clarinettes diverses, 6 hautbois ou cors anglais, 4 bassons et un contrebasson. Dix cors au total, dix trompettes, 6 devant, 4 en coulisses, un double éventail de timbales, deux harpes, pas moins de sept percussionnistes et toute la panoplie habituelle au grand complet, sans parler des musiciens placés en coulisses pour mieux élargir l’espace sonore – une sorte de stéréophonie avant la lettre – chœurs, cuivres, carillons, orgue tonnant, il y a du monde, pour faire du “bruit“ ??? Non, car tout le développement fondamental de la matière musicale demeure génialement très clair pour l’oreille. Toute la symphonie est ainsi tendue vers sa solennelle et fracassante coda, vers cette “résurrection“ si longtemps différée, retenue…Et, enfin, clamée.
« J’ai nommé le premier mouvement « Totenfeier » (Rites funèbres), là c’est le héros de ma Symphonie en ré majeur [la Première] que je porte au tombeau et sa vie que je capte dans un pur miroir, d’un point de vue plus élevé. » Ces mots de Gustav Mahler pourraient très bien expliquer la substance de sa seconde symphonie. Sa composition remonte à 1888, alors qu’il vient d’être nommé chef d’orchestre (Kapellmeister) du Stadttheater de Leipzig. Il faudra attendre huit ans pour la première audition, le 13 décembre 1895, à Berlin, sous la conduite du compositeur.
Pourquoi « La Résurrection » ? Dans le cinquième mouvement, Mahler a mis en musique le poème de Friedrich Gottlieb Klopstock « Die Auferstehung » (La résurrection) qu’il avait entendu en 1894, lors de l’enterrement du chef d’orchestre réputé Hans von Bülow. Comme Klopstock, Mahler croyait en une vie éternelle, pensant toutefois qu’elle n’était pas acquise à l’Homme et que l’expérience de la souffrance ici-bas devait le mener à sa propre délivrance. C’est pourquoi Mahler ne reprend que les deux premières strophes auxquelles il a ajouté des vers de son imagination. Il n’en reste pas moins que le poème a donné à la symphonie un nom qui la désigne encore aujourd’hui.
La vie. L’angoisse. La mort…Pour la première fois depuis Beethoven, la métaphysique déboule dans la symphonie. Mahler, là encore, fournit d’ailleurs un effarant “programme“ où il est question d’un héros, de sa mise au tombeau, de ses interrogations sur l’existence, du rayon de soleil, de ses souvenirs…Mais le plus stupéfiant reste la forme : cette coulée en cinq mouvements, terre de tous les conflits, de tous les climats, de tous les contrastes : marche funèbre, ronde infernale, chant naïf, hymne tonitruant. Du grand spectacle, et du grand son !
Gustav Mahler, à propos de sa deuxième symphonie : « Quand je conçois une grande peinture musicale, j’en arrive toujours au point où je dois m’adjoindre la parole comme support de mon idée musicale. Il doit en avoir été ainsi de Beethoven dans sa Neuvième ; seulement l’époque n’a pas pu lui livrer pour cela les matériaux appropriés. Car au fond, le poème de Schiller n’est pas capable de formuler l’inouï qu’il avait dans l’esprit… Pour moi, dans le dernier mouvement de ma Deuxième Symphonie, il se passe simplement ceci que j’ai véritablement exploré la littérature du monde entier jusqu’à la Bible, pour trouver la parole rédemptrice. Profondément caractéristique pour l’essence de la création musicale est la matière dont j’ai reçu l’inspiration. Je portais en moi depuis longtemps la pensée de placer le chœur dans le dernier mouvement, et seul le souci qu’on puisse ressentir cela comme une imitation extérieure de Beethoven me fit toujours hésiter ».
A repérer, dans le troisième mouvement : deux coups de timbales et l’hallucinante valse tourbillonnante que le compositeur utilisa pour chanter le vain prêche de Saint Antoine de Padoue aux poissons (9è lied des Knaben Wunderhorn). Tandis que le quatrième mouvement qui le suit sans interruption aucune est une authentique mise en musique du poème “Urlicht“ (Lumière originelle), sorte d’introduction au puissant finale. La contralto qui le chante « devrait chanter comme un enfant qui s’imagine arrivé au paradis ».
Quant au Finale, dans une conversation avec Natalie Bauer-Lechner, violoncelliste et amie des Mahler, Gustav Mahler lui-même laisse une description qui nous parle avec toute la puissance de son imagination musicale : : « Finale, « c’est la terreur du Jour d’entre les Jours qui se déchaîne. La terre tremble, les tombeaux s’ouvrent, les morts se lèvent et s’approchent en cortèges sans fin. Les grands et les petits de la terre, les rois et les mendiants, les justes et les athées, tous se précipitent. Les cris de gr‚ce et les supplications prennent à notre oreille une sonorité effrayante. Ils se transforment en hurlements de plus en plus terribles. Toute conscience s’évanouit à l’approche de l’Esprit Éternel.
Le GRAND APPEL résonne, les trompettes de l’Apocalypse hurlent. Dans un affreux silence, nous croyons reconnaître un rossignol lointain, comme un dernier écho de la vie terrestre. Doucement résonne alors le chœur céleste des bienheureux : « Ressusciter ! Oui, tu vas ressusciter ! ». C’est alors que paraît la splendeur divine. Une douce et merveilleuse lumière nous pénètre jusqu’au cœur. Tout n’est plus que calme et bonheur. Et voici qu’il n’existe plus ni justice, ni grands ni petits, ni châtiment ni récompense ! Un sentiment tout puissant d’amour nous emplit de certitude et nous révèle l’existence bienheureuse. »
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Billetterie en Ligne de l’Orchestre National du Capitole
Orchestre National du Capitole
Crédit Photos :
Tugan Sokhiev © Marco Borggreve • Janina Baechle © Horowitz • Choeur Orfeon Donostiarra / Orchestre National du Capitole © Patrice Nin