Dirigé par Jaap van Zweden, le Chamber Orchestra of Europe réunit par une immense arche un classique du répertoire, la Cinquième de Beethoven à une œuvre particulière de Chostakovitch, la Symphonie de chambre, op.110a, transcription de 1967 d’un quatuor, le n°8 suivi d’un bijou très précieux de Leonard Bernstein, Serenade. Créée en 1954 avec Isaac Stern comme soliste, l’œuvre s’intitule plus exactement Serenade pour violon, cordes, harpe et percussions. Le 2 décembre à la Halle, 20h, le violoniste virtuose soliste sera notre cher Renaud Capuçon. Le concert est donné dans le cadre du cycle Grands Interprètes.
Histoire de l’opus 110a de Dimtri Shostakovitch
Très marqué, entre autres faits, par la destruction de la ville de Dresde (qui fut quasiment rasée en février 1945 occasionnant près de 35000 morts civils), Chostakovitch compose en juillet 1960, en seulement trois jours, le fameux quatuor n°8 qui porte la dédicace « à la mémoire des victimes du fascisme et de la guerre« . Il fait partie d’une série de 15 quatuors à cordes, et fut créé le 2 octobre 1960 à Léningrad par le Quatuor Beethoven. Enfin, ce quatuor fut écrit juste après l’adhésion (très tardive et sous la pression) du compositeur au Parti communiste. Il sera dit: « Le quatuor fut écrit immédiatement après qu’il rejoignit le Parti communiste – et ceci, pour Chostakovitch, équivalait à la mort même. »
Propos du compositeur : « Je me suis dit que si je mourais un jour, personne ne songerait à écrire une œuvre à ma mémoire. Aussi ai-je décidé de l’écrire moi-même. On pourrait mettre sur la couverture : « Dédié à la mémoire de l’auteur de ce quatuor. » Le thème principal de ce quatuor sont les notes DSCH, c’est à dire mes initiales. J’ai aussi utilisé le chant révolutionnaire intitulé « Victimes de la terrible prison ». Enfin, j’ai utilisé les thèmes de mes différentes compositions, 1° symphonie, 8° symphonie, 10° symphonie, concerto pour violoncelle, trio, Lady Macbeth. Une vraie salade. »
Dmitri Shostakovitch et Leonard Bernstein acclamés à la fin de l’exécution de la Symphonie n°5 de Chosta avec Bernstein dirigeant le New York Philharmonic, et ce, dans la Grande Salle du Conservatoire de Moscou, le 22 août 1959.
Cette Symphonie de chambre est la transcription de 1967 faite par Rudolph Barschai, ami de Chostakovitch, de ce quatuor à cordes n°8 pour un ensemble de cordes plus étoffé, avec une ligne de contrebasse en plus des quatre lignes originales (violon 1, violon 2, alto et violoncelle). La réécriture est très fidèle à l’original, il s’agit à vrai dire de la même musique, avec une sonorité plus symphonique, plus étoffée que le quatuor d’origine. Etudiant en composition auprès de Dimitri Chostakovicth et proche de Prokofiev, Rudolf Barchaï, défenseur ardent de la musique de ses contemporains, pense avant tout l’opus 110a comme une amplification de l’opus 110, c’est à dire une adaptation plutôt qu’un arrangement. Il respecte les équilibres de l’original. Sa motivation à faire cette transcription lui vient de la volonté d’amener «des fleurons de la musique de chambre vers le vaste public des grandes salles de concert». Son travail est bien reçu par Chostakovitch qui en écartera plusieurs autres:
« Peu après la première du Huitième Quatuor à cordes, en 1960, les Éditions Peters me passèrent commande d’une orchestration de l’œuvre, pour orchestre à cordes. Connaissant l’opinion de Chostakovitch (à dire vrai, plutôt sceptique) sur les arrangements quels qu’ils soient, j’ai d’abord cherché à le convaincre. Je lui ai montré l’orchestration une fois celle-ci achevée. Il en fut très content et, avec son humour et ses manières démonstratives typiques, il s’exclama : « Eh bien, voilà qui sonne mieux que l’original ! Nous lui donnerons un autre nom : Symphonie de chambre op. 110a. » R.Barschai
Il est parcouru de part en part par un motif de quatre notes portant sa signature. Cette signature musicale est composée de deux intervalles de seconde mineure séparés par une tierce mineure. Son caractère tendu, dépressif correspond à la personnalité du compositeur (le S correspond à ES= mi bémol). Il avait déjà utilisé ce motif dans les 24 Préludes et fugues pour piano (1951) et dans sa Dixième symphonie (1953).
Œuvre cyclique, ses cinq mouvements s’enchaînent sans interruption :
- Largo
- Allegro molto
- Allegretto
- Largo
- Largo
Serenade pour violon, cordes, harpe et percussions
Compositeur, pianiste, chef d’orchestre, pédagogue, écrivain, “TV star“, vedette mondiale du show-biz musical, homme de convictions progressistes et d’engagements démocratiques, tel était Lenny. Il représentait à lui tout seul un véritable cosmos, une unité contradictoire du multiple, où rien d’humain ne lui était étranger, où surtout, la moindre parcelle de musique était immédiatement métabolisée par son insatiable soif de vivre, de créer et de communiquer. Ne disait-il pas : « La musique, l’art en général, est le seul langage humain qui permette à l’homme de se retrouver non seulement comme individu, mais aussi et surtout comme un être humain qui vit et doit vivre dans la fraternité de ses semblables. La musique est le langage le plus profond de l’homme. »
La Sérénade (1954) de Leonard Bernstein (1918-1990) fut parmi les premières œuvres abstraites du compositeur à être acceptée (elle succède à une comédie musicale écrite en 1953, Wonderful Town). Ecrite en cinq mouvements pour violon solo, orchestre à cordes, harpe et percussions, elle est inspirée du Banquet de Platon. (Petite parenthèse, à ce sujet, ne ratez pas l’expo sur les “Rituels grecs“ qui démarre au Musée Saint-Raymond, où il est question entre autres du rituel du banquet, les convives allongés sur des… banquettes !). Il y est question de la nature de l’amour, mais Bernstein nous dit qu’il ne faut pas y chercher un « programme littéral ». Faisant référence au style jazz présent dans l’œuvre, le compositeur de West side story espère que celui-ci : « ne sera pas pris pour une musique de fête grecque anachronique, mais plutôt pour l’expression naturelle d’un compositeur américain contemporain imprégné de l’esprit de ce banquet intemporel. » Il déclare par ailleurs, rappelant que l’œuvre lui a été sincèrement inspirée, avant tout, par l’amour de son prochain : « Les êtres humains comptent plus que toute autre chose : je les ressens, les aime, les respecte et ne puis me passer d’eux. La présence de quelqu’un sur la pente d’une montagne peut me faire oublier la montagne… ».
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Symphonie n°5, en ut mineur, opus 67
On ne vous fera pas l’injure de vous présenter en quelques lignes une œuvre parmi les pages les plus connues de la littérature de la musique symphonique. Rappelons simplement que sa création eut lieu à Vienne le 22 décembre 1808 en même temps que la Symphonie n°6 dite “pastorale“. L’Allegro con brio qui ouvre la partition est un “digest“ pour l’ouvrage. Il fallut plusieurs esquisses au maître pour qu’enfin une le satisfasse. Sa persévérance est enfin récompensée. Ces quelques mots résument ce monument : « Conçue avec génie, et réalisée avec une mûre réflexion, elle exprime à un très haut degré le romantisme dans la musique. »
Michel Grialou
Les Grands Interprètes
Chamber Orchestra of Europe
Jaap van Zweden (direction)
Renaud Capuçon (violon)
samedi 02 décembre 2017
Halle aux Grains (20h00)
Mécénat / Partenariats
Nathalie Coffignal
ncoffignal@grandsinterpretes.com
Tel : 05 61 21 09 61
Jaap Van Zwenden © Hans Van Der Woerd
Renaud Capucon © Fowler Erato
Chamber Orchestra of Europe © Eric Richmond