Oui, oui, il s’agit bien du fils d’Alain Decaux, ce génial historien disparu en 2016. Bon sang ne sachant mentir, le premier roman de Laurent Decaux pourrait, presque, être un précis d’histoire médiévale.
Nous voilà en Champagne à la fin du 14ème siècle. Après six années de croisade, le jeune Jacques de Charny regagne ses terres et les découvre au bord de la faillite. Sa mère, Jeanne, ne va pas manquer de lui en faire reproche car elle a dû financer l’expédition de son fils au-delà des capacités de la seigneurie. Heureusement, il y a les pèlerins qui affluent en masse pour se recueillir devant le Saint Suaire, propriété des Charny. Et encore cela risque d’être de courte durée car Pierre d’Arcy, évêque de Troyes, s’oppose à cette exposition du drap sacré. Croyant retrouver Hélène, sa bien-aimée, Jacques apprend qu’elle s’est mariée avec un barbon richissime. Tout va donc au plus mal. Heureusement Jacques peut compter sur deux amis d’enfance, indéfectibles dans leur sentiment : Miles, un géant au cœur énorme et Arnaut, jeune chevalier porté sur les arts. Avec eux, il va affronter ces temps dans lesquels la chevalerie va disparaître et tenter de résoudre les problèmes du domaine seigneurial.
Roman certes, mais peuplé de figures et d’événements historiques. Et en premier lieu la possession du Saint Suaire par la famille de Charny. Quant au père de Jacques, Geoffroy de Charny, il a bel et bien, et encore plus, existé car il fut le porte-oriflamme du Roi Jean le Bon et l’un des plus grands stratèges militaires de son temps. Ce livre romanesque, vibrant, enthousiasmant, est aussi une description très précise de ce Moyen Âge qui vit des guerres sans fin, qui sombre dans des croyances flirtant avec les superstitions, mais dans lequel les ambitions de la jeunesse d’alors sont bien modernes : amour, confort, amusement…
Un coup d’essai qui est en fait un coup magistral.
Robert Pénavayre
une chronique de ClassicToulouse
Le Seigneur de Charny, roman de Laurent Decaux – XO Editions – 413 pages