Un trio de comédiens flamboyants se distribue la partition de « Acting », pièce de Xavier Durringer proposée par la compagnie Les Amis de Monsieur, dont les représentations avaient lieu la semaine dernière au théâtre du Grand Rond.
L’intrigue se déroule entre les quatre murs d’une prison avec lits superposés et tinette dissimulée par un rideau et met en scène trois détenus aux milieux socio-culturels divergents que le théâtre et Shakespeare vont rapprocher. Quand Gepetto, petit escroc falot, accueille dans la cellule qu’il partage avec le taciturne Horace, Robert – comédien et metteur en scène écorché vif – il a une vision très superficielle du métier d’acteur : les paillettes, les stars, la télévision, les magazines « people ». Robert, lui, cite, Grotowski, l’Actors Studio, Stanislavski, Laurence Olivier, le Grand Will… Après une démystification en règle du star system au profit du travail acharné et parfois ingrat du comédien, Robert, condamné à une peine de 18 ans pour meurtre, va entreprendre d’enseigner l’art dramatique à un Gepetto maladroit et naïf, et se prenant au jeu, le métamorphoser en plus grand acteur de tous les temps : celui qu’il ne pourra plus être. Jouer la comédie, c’est s’évader des murs, c’est redistribuer des rôles auxquels la vie vous a assigné, c’est décentrer la tragédie, libérer les émotions, exorciser les tensions, attirer dans l’ombre des cachots, un peu de lumière sur soi. En 2012, le docu-fiction « César doit mourir » des frères Taviani abordait l’univers carcéral comme scène de théâtre et la figure du détenu comme tragédien, à travers la création de « Jules César » de Shakespeare interprétée par des prisonniers romains aux très lourdes peines.
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Ecrite la même année par Xavier Durringer, « Acting » en réfère à « Hamlet » pour rejouer la tragédie de la trahison, de la solitude et de la folie, sous l’œil témoin de Horace, dont les activités se concentrent le jour sur les programmes télévisés et la nuit sur la fabrication d’armes blanches à base de brosses à dents. La comédie bouffonne engendrée par la rencontre improbable entre deux hommes que tout oppose, fera place peu à peu au drame et la tragédie shakespearienne ne tardera pas à rejoindre celle de la réalité. « Acting » est avant tout une pièce sur le théâtre écrite pour les acteurs avec des répliques vives, percutantes, parfois triviales et souvent très drôles même si l’on peut regretter qu’elle force le trait pour accentuer la dichotomie entre l’intellectuel, théoricien du théâtre et l’homme simple, sans culture. Jean-Paul Bibé (Robert) et Guillaume Destrem (Gepetto) portent leur personnage avec conviction, formant un duo touchant, au charme fou qu’Alain Ferriol vient compléter de sa présence mutique et charismatique. Dans cette mise en abyme du théâtre, les trois y font la démonstration pratique dans des registres différents d’une leçon de comédie, dans une mise en scène signée Corinne Calmels, privilégiant le jeu, la proximité avec le public, au rythme de tableaux écrits comme des séquences de cinéma. « Acting » n’est pas qu’une leçon de théâtre, c’est aussi une leçon de vie et d’humanité, où chacun confronté à l’altérité, sera amené à révéler sa noblesse d’âme.
Sarah Authesserre
une chronique de Radio Radio
« Acting » du 13 au 17 décembre 2016, 21h, au Théâtre du Grand Rond, 23 rue des Potiers, Toulouse.
Acting @ Céline Colombo