A l’Auditorium du Musée des Abattoirs, la folk intime et attachante de l’Américaine a touché juste, éveillé bien des résonances poétiques au sein d’un auditoire sous le charme.
On ne l’annonce pas autrement que par l’éclairage qui bascule de la salle à la scène. Elle s’avance et aussitôt c’est elle, la longue Dame brune : jupe et bas de laine, manteau trois-quarts, gestes d’une grâce totale, lenteur mesurée… L’artiste et nous-mêmes dans le public trouvons assurément dans ce petit tempo juste ce qu’il faut pour nous mettre au diapason .
Josephine s’assied et prend la guitare, un peu songeuse, hésitant dans le même temps entre deux harmonicas. Dans ses longues mains, l’instrument commence à sonner, quelques cordes pincées, deux accords égrenés en arpèges comme on fait entre amis, quand on a une guitare et que l’idée c’est de s’en servir, de chanter quelque chose. Puis la voix fait pareil : des notes discrètes, musées, les suivantes plus hautes, plus claires, enfin un vibrato qui se chauffe. On ne sait pas si le récital a commencé, si on est vraiment au concert.
Et pourtant elle chante déjà ses histoires, Josephine, comme les oiseaux posés dans les nuits d’été se racontent leur journée. D’une voix lyrique aussi claire qu’une source sur la roche – sans académisme – on pense à Joan Baez, Joni Mitchell ou la Suédoise Jenny Lysander. Sa guitare la suit, relâchée elle aussi, l’air de rien, mais jamais hésitante.
La musique de Josephine Foster est une rareté comme en génère peu la musique folk Américaine – mais s’il faut en suggérer dans cette veine, que diriez-vous de Devendra Banhart et Coco Rosie ? Folk si on veut, rien de canonique, mais branché sur l’héritage naturaliste de ce grand territoire : ça se sent, oui. A l’instar de quelques grands romanciers de son pays capables de faire plonger le lecteur dans leur univers par la seule force de l’histoire et l’authenticité de leurs protagonistes, Josephine Foster installe l’auditeur dans un univers sonore et une intimité narrative qui « forcent » une écoute attentive, sans toutefois brider d’éventuels prolongements dans l’imaginaire de chacun.
Je n’ai jamais écouté plus solo que ce guitare-voix, partagé pourtant comme on refait le monde sur un coin de table dans la cuisine. Jamais entendu personne être autant présente à soi-même dans l’acte de création. Etre et non pas faire preuve. Confiante dans son émotion, concentrée, à l’écoute, lancée dans sa poésie ou son récit mélodiques avec l’assurance de celle ou celui qui raconte à son petit une histoire inventée. Rappelez-vous que ce sont les meilleures !
Il y avait peut-être quelques ritournelles en quintessence mais pour rencontrer Joséphine Foster il ne faut pas chercher à reconnaître de chansons, comme on dit d’une bonne chanson qui fonctionne, qu’on retient. Le récital a déroulé le long fil d’un rêve en vers libres, au point que c’est avec surprise qu’on lit sur la pochette du vinyle des vers de Joyce ou de Kipling, tant ils ont été « libérés » dans le ruisseau de voix de Joséphine.
My Dove, my beautiful one,
Arise, arise!
The night-dew lies
Upon my lips and eyes
(…) [James Joyce]
Par ces jours sombres, il en fallait des visions de colombe. Ce soir par la grâce de Josephine Foster, jusqu’à son dernier chant a capella couvé dans un murmure, on s’est réchauffé d’espoir.
Nouvel album: ‘No more lamps in the morning’
Infos concerts: http://www.josephinefoster.info/
Dernières actualités: https://www.facebook.com/JosephineFosterMusic
Autre portrait: http://next.liberation.fr/musique/2016/02/01/josephine-foster-la-grande-sereine_1430362
Pierre David
Un article du blog La Maison Jaune