Ce sont de grands, d’immenses musiciens qui sont venus à Toulouse. Souvent présents juste à côté, à Auch, c’est un grand bonheur de les rencontrer dans la ville rose en un lieu à l’exceptionnelle acoustique. Les King’s Singers, invités des Grand Interprètes, ont su éblouir le public de l’Auditorium Saint-Pierre des Cuisines.
Ils se sont présenté à cinq, car leur ami, le contre-ténor David Hurley, était souffrant. Sans que rien n’y paraisse, ils ont su organiser un nouveau programme magique dans lequel la variété de styles et la perfection se donnaient la main. Une des particularités de ce groupe, composé exclusivement de chanteurs anglophones dont les fondateurs furent issus du King’s Collège de Cambridge, est de pouvoir tout chanter avec le même bonheur, toujours a capella. La musique est enseignée aux enfants dès leur plus jeune âge outre-manche. Ces chanteurs d’excellence sont donc avant tout des musiciens nés. Chez les King’s Singers chaque individu, chanteur aux moyens suprêmes, s’abandonne au groupe dans cette respiration commune qui est la musique même.Les King’s, tout simplementLes débuts comme les fins de chaque morceau sont délicatement ourlés. Même les silences sont remplis de musique. Techniquement ces chanteurs sont des maîtres, chaque voix est idéalement placée et timbrée. Le contre-ténor Timothy Wayne-Whrite est aérien et toujours très repérable même dans ses infimes nuances, le ténor Paul Phoenix a une aisance insensée sur toute la tessiture, un charme de crooner et un sens du théâtre irrésistible, les deux barytons Christopher Brueton et Christopher Gabbitas, ont une présence très chaleureuse et la basse Jonathan Howard a un timbre troublant d’une rare profondeur. Les voix sont donc toutes superbes et les moments solos sont dignes de chanteurs internationaux les plus célèbres.C’est en effet leur art du chant qui est suprême et qui leur permet d’aborder tous les styles de musique. Un sens du phrasé d’une exquise délicatesse, des nuances très creusées et des couleurs toujours mouvantes sont associés à une parfaite justesse de tous les instants. Aucune audace harmonique ne les déstabilise jamais. Les exigences du plain chant comme des musiques contemporaines les plus complexes sont naturelles pour eux. Toutes les langues semblent parfaitement comprises, le texte admirablement projeté. Ce soir, les groupes français et baltes semblent les plus originaux. Ainsi Maurice Duruflé, Francis Poulenc et Camille Saint-Saëns sont interprétés avec un délicieux accent anglais qui ne nuit jamais à la compréhension. L’Estonien Veljo Tormis et Sibelius le Finlandais apportent une note de poésie hivernale d’une grande beauté. La musique espagnole du siècle d’or a une profondeur et un pouvoir d’évocation considérables, avec de tels interprètes. Le catalogue de ces compositeurs si éloignés (Cinq siècles !) ne rend pas compte de l’équilibre des « mélanges » des King’s Singers. Chacun de leurs concerts forme un tout, sorte de voyage initiatique vers la beauté de la poésie mise en musique et donne du sens à la vie. Le bonheur qui se dégage de ces chanteurs est communicatif.La dernière partie du concert nommée « Songs in close harmony » est un bouquet de feu d’artifice. Tous les âges, tous les styles, jusqu’aux chansons contemporaines sont présents et la légèreté tutoie la perfection, n’oubliant jamais les émotions les plus belles. Qui douterait que les Beatles sont d’immenses musiciens après avoir entendu les King’s Singers ?
Trois bis viennent entretenir les beaux liens entre les chanteurs et leur public totalement comblé, dont une berceuse dédiée à leur ami et collègue David Hurley éloigné ce soir par la maladie. Une fête du beau chant et de la musique du bonheur nous a été offerte faisant oublier toute réalité mesquine.
Toulouse. Auditorium Saint-Pierre des Cuisines, le 16 janvier 2013. Sérénade d’hiver. Les King’s Singers. Timothy Wayne-Wright, contre-ténor ; Paul Phoenix, ténor ; Christopher Brueton et Christopher Gabbitas, barytons ; Jonathan Howard, basse.