Les concerts au Musée des Augustins poursuivant leur magnifique saison avec pour la deuxième fois un concert dans le Salon rouge. Le charme de ce concert a été absolument exquis. Cette trop rare musique de chambre pour clarinette, violoncelle et piano est si pleine de poésie ! Le contenu artistique convie des chefs d’œuvres absolus et une découverte inouïe à la fin. En ouvrant le concert avec le Trio de Beethoven, nos trois artistes ont pu trouver assez rapidement un équilibre proche de l’idéal. La virtuosité assumée de chacun est entièrement mise au service d’une poésie de chaque instant. Il faut dire que Pascal Moraguès, clarinette solo de l’orchestre de Paris, a un jeu d’une incroyable délicatesse. Capable de traits aussi vifs que sensibles. Il arrive à nuancer de manière très délicate, entraînant ses complice dans des moments à la limite du risque. Gary Hoffmann, soliste et pédagogue reconnu, est un partenaire assumant avec panache la sonorité victorieuse de son Nicolo Amati ayant appartenu à Leonard Rose. Claire Désert est une pianiste aussi appréciée en tant que soliste, concertiste que chambriste. Ses doigts virevoltent, les accords assurent une ampleur magnifique. On sent surtout entre ses trois artistes une communion qui dégage une rare musicalité.
Après un Trio de Beethoven plein de vie, d’élégance et de tenue, la deuxième Sonate pour violoncelle et piano de Brahms permet aux deux solistes d’amplifier leur propos. Les sonorités riches et les longs phrasés de Gary Hoffman s’accordent parfaitement avec le jeu ample de Claire Désert. Un moment magnifique qui permet d’apprécier la profondeur de l’inspiration de Brahms qui met si bien en valeur les couleurs romantiques du violoncelle. Le piano est un partenaire d’égale importance et l’accord entre les deux artistes est accompli. Sons amples, phrasés larges, dynamiques creusée profondément. Un grand souffle romantique a ampli le Salon rouge et a enthousiasmé le public.
Après l’entracte qui a permis aux artistes et au public de reprendre quelque souffle, c’est la poésie si subtile de la Fantasiestücke de Schumann dans sa version pour clarinette et non alto, qui a diffusé délicatement la poésie dont est capable Pascal Moraguès. L’émotion subtile qu’il offre avec son souffle long, ses couleurs rares, ses phrasés infinis, est un moment rare. Loin de toute démonstration, c’est l’intimité de l’âme si tourmentée de Schumann qui nous envahi, avec cette recherche d’absolu par la beauté. Moment de poésie totalement inoubliable en si peu de temps. La pièce la plus courte est celle qui reste le plus accrochée à mon souvenir. Pascal Moraguès avec un abandon qui n’appartient qu’à lui, ose des nuances infinies de délicatesse et des sons mourant qui n’en finissent pas de nous hanter.
Les trois amis se retrouvent pour un dernier Trio du quasi inconnu nommé Frühling. Comment tant de beauté peut rester si peu jouée ? En quatre mouvements un univers d’une totale originalité réunit les trois compositeurs précédents. C’est profond comme du Schumann, brillant comme du Beethoven et puissant comme du Brahms. La clarinette entraîne ses deux compères et ouvre la porte a des dialogues au sommet de l’émotion. L’Andante est un moment inoubliable en sa sublime mélancolie. Impossible de parler de chaque musicien tant leur union est complète en une recherche de beauté, d’émotion et de franchise. Ils convainquent que cette partition mérite une bien plus large diffusion. Le public a été subjugué par tant d’harmonie et de musicalité partagées. Le violoncelle et la clarinette sont si porteurs de mélancolie que la musique de chambre qui les unit, ne ressemble à aucune autre. Nous avons eu ce soir la chance, à l’invitation des concerts du Musée, de la déguster avec des virtuoses de premier plan partageant le même amour de la poésie en musique.
Claire Désert, Gary Hoffman et Pascal Moraguès pourraient bien être nommés le Trio Moraguès tant nous leur souhaitons de nombreux autres concerts, pour qu’ils entretiennent cette belle complicité et pour le bonheur qu’ils apportent au public dans ce répertoire si émouvant.
Hubert Stoecklin a publié cette chronique sur classiquenews.com
Compte-rendu concert. Toulouse, Musée des Augustins, Salon Rouge, le premier février 2017 ; Ludwig van Beethoven (1770-1827) : Trio op.11 en si bémol majeur ; Johannes Brahms (1833-1897) : Sonate pour violoncelle et piano n°2 en fa majeur ; Robert Schumann (1810-1856) : Fantasiestücke op.73 ; Carl Frühling (1868-1937) : Trio op.40 en la majeur ; Pascal Moraguès, clarinette ; Gary Hoffman, violoncelle ; Claire Désert, piano.
Images : Catherine Ulmet (DR).