Comme ce spectacle est actuel par son message philosophique et politique !
Jamais l’opéra ne peut aussi bien parler de notre époque dans laquelle chacun clame sa recherche de liberté et ne veut en aucun cas payer quoi que ce soit pour l’obtenir !
Et si la proportion était réelle pour une Ariane qui se libère cinq qui restent avec leur bourreau!
Bravo au Capitole pour ce magnifique spectacle en tout point parfait ! Avec le grand retour de SOPHIE KOCH
COMPTE-RENDU, opéra. TOULOUSE, Théâtre du Capitole, le 7 avril 2019.
Paul DUKAS. Ariane et Barbe Bleue.
S. Poda . S. Koch. V. Le Texier. J. Baechle. Orchestre et Chœur du Théâtre du Capitole. P. ROPHE, Direction.
Une très impressionnante production du seul opéra de Paul Dukas au Capitole
Pour son entrée au répertoire, la production de Stefano Poda qui gère tout le visuel, Mise en scène, décors et costumes lumières, est admirable d’intelligence. A nouveau le directeur de la maison, Christophe Ghristi, semble avoir su trouver une nouvelle fois cette parfaite alchimie entre scène et voix qui magnifie l’opéra. La scénographie est riche et complexe à la hauteur de la partition de Dukas. Tout est blanc sur scène dans une harmonie pleine de sous entendu, symbole de la recherche d’ absolu d’Ariane. Les lumières dessinent donc le noir et le gris. Une certaine lassitude est évitée de justesse car la richesse du symbole est constamment renouvelée. Les costumes sont superbes et les décors : un immense mur de corps entassé au fond et un grand labyrinthe qui descend des cintres, créent un huis clos éprouvant et des jeux entre les femmes de Barbe Bleu très intéressants reprenant le fameux labyrinthe d’ Ariane.
L’impossibilité pour Ariane de libérer ses « sœurs » démontre que la liberté ne peut s’offrir mais uniquement se mériter par son courage. Ainsi les cinq femmes de Barbe Bleue se résignent au malheur connu y trouvant des facilités ( les pierres précieuses) n’osant pas suivre Ariane sur le chemin de la liberté avec ce que cela comporte d’imprévu préférant faire confiance à l’hypothétique repentir de Barbe Bleue. Le jeux est très convainquant avec des danseuses ne faisant pas redondance., mais développant corporellement chaque personnage avec talent. C’est évidemment le jeu subtil de l’actrice Dominique Sanda en Alladine qui est le plus éloquent mais chaque cantatrice est convaincante. Ce sont la beauté des voix et la splendeur de l’orchestre qui magnifient parfaitement la somptueuse partition de Paul Dukas.
Sophie Koch conserve sa splendeur de timbre sur toute la tessiture, sa projection est impressionnante et sa diction la plus compréhensible qui soit. Son incarnation d’une Ariane volontaire et inflexible restera inoubliable. Le Barbe Bleue de Vincent Le Texier est sobre et efficace. Un rôle important est dévolu à la nourrice et Janina Baechle sait avec une grande intelligence se servir de sa large voix pour donner beaucoup d’humanité à celle qui accompagne Ariane dans sa quête jusqu’au bout de sa propre peur. La proximité des deux voix en terme de couleurs profondes permet un jeu de miroir très réussi. Les cinq premières femmes de Barbe Bleue apportent plus de lumières dans les timbres Ainsi particulièrement Andreea Soare en Mélisande et Marie-Laure Garnier en Ygraine. Mais il faut toutes les citer tant l’accord des voix est réussi : Eva Zaïcik en Sélysette et Erminie Blondel en Bellangère. L’orchestre du Capitole est sensationnel, tous les musiciens sont virtuoses et intensément engagés dans un jeu parfait. La direction de Pascal Rophé est limpide et sure ce qui est bien venu dans une partition aussi complexe. Paul Dukas y fait une extraordinaire recherche de lumière pour accompagner son héroïne, partant d’une texture parfois complexe et épaisse. Voici donc une très belle version du seul opéra, véritable chef d’œuvre inclassable, de Paul Dukas. Elle a été offerte au public du Capitole par une équipe de haut vol. France Musique a posé ses micros et Culture Box ses caméras pour immortaliser cet opéra si rare qui sera diffusé les 14 avril et 5 mai.
Chronique rédigée pour Classiquenews.com
Compte-rendu Opéra. Toulouse. Théâtre du Capitole. Le 7 avril 2019. Paul Dukas (1865-1935) : Ariane et Barbe Bleue, Opéra en trois actes. Livret de Maurice Maeterlinck. Création le 10 mai 1907 à l’Opéra-Comique. Nouvelle production. Stefano Poda, mise en scène, décors, costumes et lumières. Sophie Koch : Ariane. Vincent Le Texier : Barbe-Bleue. Janina Baechle : La Nourrice. Eva Zaïcik : Sélysette. Marie-Laure Garnier : Ygraine. Andreea Soare : Mélisande. Erminie Blondel : Bellangère. Dominique Sanda : Alladine. Orchestre national du Capitole et Chœur du Capitole, Alfonso Caiani : chef de choeur. Pascal Rophé : direction musicale.