L’ Air de famille
Ne pas se fier aux apparences. Si nous avons toujours été frappé par une certaine ressemblance entre Georges Camuzet et Jacques Dutronc (jeune), le chef ne partage guère le tempérament dilettante ni le goût du farniente de l’interprète des Cactus. Il y a plutôt chez lui une tension, une énergie, des idées qui bouillonnent. De fait, il n’a pas perdu de temps. Après le lycée hôtelier de Souillac, c’est à Paris que le jeune Camuzet débarque avec l’idée de travailler avec les meilleurs. Dans la capitale, il fait ses armes auprès du chef virtuose et fantasque Michel Del Burgo (décédé en 2017), collectionneur d’étoiles et d’établissements. Au Bristol, au Taillevent, à L’Angle du Faubourg ou au Crillon, l’apprenti cuisinier découvre la rigueur, l’excellence, l’exigence. La dureté aussi d’un métier et d’illustres restaurants ne tolérant pas la moindre faiblesse. À ces années de formation parisienne – « des années qui comptent double », précise-t-il – succèdent un détour par Tahiti, où il travaille notamment au restaurant du musée Gauguin, puis un retour dans l’hexagone, à La Bastide de Gordes où il retrouve Del Burgo, et un passage chez Michel Sarran.
Mais Georges Camuzet a toujours eu le désir d’ouvrir son restaurant et de jouer sa propre partition, ce qu’il accomplit à l’âge de vingt-quatre ans en ouvrant L’Air de famille, petit établissement niché rue Jules Chalande. Pendant deux ans et demi, il y fait ses gammes, avec son épouse Maude, avant de migrer vers le marché Victor Hugo où le restaurant gagnera sa renommée en mitonnant des classiques pimentés d’une touche personnelle, en conjuguant terre et mer, en maîtrisant des cuissons parfaites à l’image de ses risotto de compétition. Onze années durant, Georges a chanté ses airs et la famille (des clients) s’est agrandie jusqu’à ce que le besoin d’une pause se fasse ressentir en septembre 2017.
Une pause finalement de courte durée. Un arrêt pour mieux revenir aux sources puisque L’Air de famille a ressuscité au mois de février pour rouvrir ses portes… rue Jules Chalande. Certes, pas à l’adresse « originelle », mais là où Le Coq Hardi poussa longtemps son chant. Quoi de neuf alors à L’Air de famille ? Plus d’espace, plus de confort, une cuisine high tech rutilante : tout changer pour que rien ne change, pourrait-on dire en paraphrasant Tancredi dans Le Guépard, car le nom, l’esprit et la cuisine du restaurant demeurent intacts. Les habitués ont pu ainsi retrouver les plats emblématiques du restaurant (tête de veau, tartare, risotto, couteaux beurre citron…) même si le chef, tout en respectant ces fondamentaux, ne s’interdit pas de faire évoluer la carte, de proposer dans les suggestions des plats et des produits plus recherchés.
Une autre nouveauté tout de même : dans la belle et spacieuse salle du restaurant, on repère un coin cosy où trônent une platine et des vinyles – ce qui justifierait déjà cette chronique. On imagine que Georges Camuzet y écoutera quelques-uns de ses artistes de prédilection : Bashung, Brel, Gainsbourg ou Simon & Garfunkel… Un tandem, mais pas de groupe dans ceux qu’il nous a cités spontanément. Pourtant, Georges a l’esprit de groupe. En témoigne le collectif Copains comme cochons, qu’il a initié voici cinq ans, en réunissant une quinzaine de restaurateurs toulousains partageant certaines valeurs et une idée de la cuisine. Lors de notre première visite dans L’Air de famille 2019, nous avons opté pour une tête de veau et un carré du même animal. Perfecto. Du produit joliment respecté et honoré. C’était gourmand, revigorant, chaleureux. Du haut de ses juvéniles trente-neuf ans, quinze ans exactement après l’ouverture de son restaurant, celui qui à treize ans fit un stage – ne comptant pas pour rien dans sa vocation – chez Émile nous donne l’impression que rien n’a changé et que tout continuera comme avant. La prochaine fois, nous amènerons à L’Air de famille notre double vinyle « Une soirée avec Claude Nougaro », enregistré à l’Olympia en 1969 et nous écouterons : « Ah, tu verras, tu verras / Tout recommencera, tu verras, tu verras ».
Toutes les chroniques : Vinyles et cuisine
photos © Pierre Beteille / Culture 31
L’ Air de famille
6 rue Jules Chalande • Toulouse
Tel : 05 67 06 54 08
Facebook • Instagram