Le Cercle littéraire de Guernesey, un film de Mike Newell
Le dernier opus de Mike Newell est une romance qui assume son genre pleinement. C’est aussi une histoire complexe qui nous plonge au cœur du dernier conflit mondial.
1940. Île anglo-normande de Guernesey. Les Allemands viennent de débarquer. Les habitants manquent de tout, y compris et surtout de nourriture. Un groupe de voisins organise un dîner au cours duquel ils vont boire un peu trop de gin de contrebande et surtout manger une tourte à la pomme de terre et aux épluchures du dit tubercule.
Ils rentrent bruyamment et nuitamment malgré le couvre-feu et se font arrêter par la police allemande. Ils invoquent alors la tenue d’un Cercle littéraire. Cela va suffire à les laisser passer. Mais dès le lendemain les voilà contraints, avant vérification par les autorités d’Occupation, de créer le dit Cercle. Il se nommera, en mémoire de cette mémorable soirée, Le Cercle littéraire des amateurs d’épluchures de patates. C’est le titre exact du roman éponyme dont s’est inspiré Mike Newell, roman coécrit par Mary Ann Shaffer et Annie Barrows (2008). En fait, cette poignée d’insulaires s’est prise au jeu et ils tiennent toujours ces réunions littéraires. Londres. 1946. Lun d’eux, Dawsey, va même jusqu’à écrire à un auteur : Juliet Ashton. Intriguée par le contenu de ce courrier, Juliet décide d’aller faire un tour sur cette île. Là, elle va découvrir un groupuscule haut en couleurs, à peu près accueillant, mais qui semble cacher un lourd secret. Dès qu’elle leur propose d’écrire un article sur eux pour le célèbre London Times, la tension monte nettement d’un cran.
Et nous voilà au cœur d’une romance incroyable que Mike Newell porte à incandescence grâce à une caméra formidablement signifiante, des éclairages magnifiques, des prises de vue renversantes, une direction d’acteur d’une incroyable précision, des dialogues ciselés et une distribution à tomber par terre. Point de super stars ici, çà repose, mais du grand registre britannique pour la plupart des rôles, dans ce qu’il a de plus original et, osons le dire, proche de la perfection. Pas un geste, pas un regard, pas une inflexion de voix qui ne soit au service du personnage ou d’une action, d’une atmosphère. Comment ne pas craquer devant la Lady Rose de Downton Abbey, alias Lily James, ici Juliet. Elle retrouve sur ce film deux acolytes de cette série : Matthew Goode, dont on se souvient aussi de son époustouflant Lord Snowdon dans la série The Crown. Pour l’heure il est le so british agent de Juliet, un agent littéraire véritable paradigme d’élégance made in London, mais aussi Penelope Wilton, à jamais Isobel Crowley dans Downton Abbey, magnifique comédienne aux registres multiples. L’un des rares « étrangers » de l’étape est un fascinant néerlandais : Michiel Huisman (Dawsey). Ce fermier élevant seul une petite fille aux origines obscures va bousculer la vie pourtant toute tracée de Juliet. Une romance aussi incertaine que possible débute dans des flots de mystères et d’interrogations.
Allez découvrir ce film, que vous ayez lu le roman ou pas. Elégantissime, brillantissime, beau comme l’Antique, c’est un bonheur de tous les instants, avec un naturel et une acuité de ton qui sauront vous prendre à la gorge, preuve flagrante que le cinéma demeure avant tout une affaire d’acteurs, de texte et de réalisateur. Visionnage en VO indispensable !
Robert Pénavayre
Le Cercle littéraire de Guernesey – Réalisateur : Mike Newell – Avec : Lily James, Michiel Huisman, Penelope Wilton…
Mike Newell – Un opus au sommet de sa carrière
La carrière de ce Britannique né en plein conflit mondial (1942) est traversée de hauts et de bas. Passons sur ces derniers et soulignons plutôt qu’il est le réalisateur de l’inénarrable Quatre mariages et un enterrement (1994) et du formidable Donnie Brasco (1997). En 2005, il se voit confier rien moins qu’un épisode de la saga Harry Potter, ce sera La Coupe de feu. Une filmographie avec des hits entrés dans l’Histoire du 7ème art. Dont le film sous rubrique. Tout de même !