Il en est ainsi de certaines œuvres entrées dans l’inconscient collectif, leur seule programmation, en dehors de toute distribution, suffit à remplir les salles. Carmen fait partie des heureuses élues et il est bien sûr assez malin pour un directeur d’opéra que de l’afficher, d’autant que ce dernier ne peut de nos jours ignorer certaines contraintes… Il fut même une époque à laquelle le titre était visible tous les ans Place du Capitole ! Il faut dire qu’en ces temps-là, le Théâtre du Capitole programmait plus de 50 titres par an, opérettes incluses ! Dans la mesure où ce chiffre est quasiment divisé par six aujourd’hui, il est normal que Carmen fasse partie des « sacrifiées » afin que d’autres œuvres soient offertes au public.
Dernière apparition des amours tumultueuses entre la belle gitane et un caporal des dragons, en avril 2009. Deux ans auparavant, une reprise de Carmen avait enflammé le Capitole car Nicolas Joel y avait invité le ténor argentin Marcelo Alvarez à faire ainsi ses débuts dans le rôle redoutable de Don José. Prise de rôle historique qui lui valut d’être retenu pour ce personnage dès l’année d’après à New York, à Londres, à Vérone, etc.
Deux stars pour une nouvelle production
Le retour de l’œuvre lyrique emblématique de Georges Bizet sur la scène du Capitole se fait dans le cadre d’une coproduction avec Monte-Carlo et Marseille. C’est Jean-Louis Grinda, le directeur de l’Opéra monégasque, qui en assure la mise en scène, dans les décors et costumes de Rudy Sabounghi et les lumières de Laurent Castaingt. Le maestro italien Andrea Molino fait ses débuts sur notre scène avec cet ouvrage qu’il a dirigé auparavant en Australie et en Corée du Sud.
Après l’Opéra de Paris l’an passé (il était temps !), le Capitole est la première scène française à accueillir Clémentine Margaine dans le rôle-titre, rôle dont elle est quasiment titulaire à Berlin depuis ses débuts dans cette œuvre en 2011, rôle dans lequel elle s’est faite applaudir dans les plus grands théâtres américains, australiens, italiens et l’an prochain au prestigieux Covent Garden de Londres, excusez du peu ! Cette compatriote, née à Narbonne il y a 34 ans, est en passe de devenir une légende dans ce rôle. A ses côtés, le ténor américain Charles Castronovoest, par contre, bien connu du public capitolin pour avoir été sur notre scène un tout jeune Fenton de 27 ans (Falstaff/2002), puis Mylio (Roi d’Ys/2007), enfin des Grieux (Manon/2013). C’est avec un bonheur sans mélange que les mélomanes vont retrouver ce magnifique artiste dont les prochains rendez-vous sont à Munich, Paris, Berlin, Londres, etc.
Mais dans Carmen, il n’y a pas qu’une gitane et un soldat. Il y a aussi une prude jeune fille, Micaëla, celle qui tentera en vain de sauver Don José de la damnation éternelle. C’est la jeune montalbanaise Anaïs Constans, toute nouvelle trentenaire, qui va ainsi faire ses débuts dans ce rôle. Elle ne pouvait rêver meilleur entourage. Un sacré chalenge malgré tout, d’autant qu’Escamillo est le tout récent Hunding de La Walkyrie sur notre scène, le russe Dimitry Ivashchenko. Notons également le retour en force d’artistes français dans des seconds rôles : Charlotte Despaux (Frasquita), Marion Lebègue (Mercédès), Christian Tréguier (Zuniga), Anas Seguin (Moralès), Olivier Grand (Le Dancaïre) et Luca Lombardo (Le Remendado). Et quand on pense au quintette du second acte, on se dit qu’il n’y a pas vraiment de seconds rôles dans Carmen, et que la réussite de cet ouvrage dépend de la qualité de la distribution entière.
Voilà, un beau rendez-vous lyrique qui va faire date et auquel il serait imprudent de ne pas se rendre en toute hâte.
Robert Pénavayre
une chronique de ClassicToulouse
Théâtre du Capitole
Carmen (Georges Bizet)
du 06 au 19 avril 2018
Charles Castronovo © Andreas Hechenberger