Call me by your name, un film de Luca Guadagnino
Largement inspiré du premier roman d’André Aciman, publié en 2007 (Appelle moi par ton nom), le dernier opus du cinéaste italien Luca Guadagnino, nommé aux Oscars 2018, est la peinture tout à la fois sensible et brutale d’une passion, celle qui va réunir le jeune Elio, 17 ans, et un thésard américain, Oliver, un rien plus âgé, venu étudier auprès de son père au cours de l’été 1983, dans leur somptueuse villa italienne.
Dans cette famille d’intellectuels haut de gamme, ignorante du moindre souci matériel, parlant à l’envie italien, français ou anglais, le seul trésor s’appelle Elio. Ce dernier s’amuse aux jeux de l’amour avec une fille de son âge, Marzia. L’arrivée d’Oliver, genre dieu grec sorti d’un panthéon, va bouleverser les sentiments les plus intimes d’Elio. A la manière du célèbre Messager du Théorème pasolinien, Oliver va, contre son gré, ouvrir Elio à sa véritable sexualité. La brûlure est ardente mais tardera à faire son œuvre. Cette brûlure ne peut s’apaiser que dans l’étreinte et s’épanouir dans la libération des corps et des âmes. De manière très proustienne, sur un scénario de James Ivory, le réalisateur nous livre ici une ode à l’Amour vainqueur d’une rare émotion. Amour doit s’écrire ici avec un A majuscule car l’erreur serait de cantonner ce film à une romance gay. Ce film nous parle de bien d’autres choses dont l’universalité de la passion. Cette passion pour aussi intense soit-elle, est connue ici dès son début pour son caractère éphémère. Aussitôt née, aussitôt condamnée par le temps. De cette « anomalie » naît une formidable intensité que les deux amants vont vivre comme des fous dans une joie mêlée de désespérance qui verra son acmé lors d’une virée délirante d’ivresse dans un village lombard. Images nocturnes somptueuses !
Ce film nous parle aussi des rites de passage à l’âge adulte. Souvent douloureux. Si l’on peut reprocher à cette réalisation certaines longueurs voire redondances, il est impossible de passer à côté de certaines scènes dont l’une des dernières, autobiographique semble-t-il si l’on se réfère au père du romancier. Dans cette scène, le père d’Elio lui conseille vivement de savourer cet élan du cœur car il est unique. Il lui dit bien d’autres choses… Le long plan séquence final nous montre Elio, plein cadre, contemplant en cette nuit d’hiver les flammes de la cheminée, laissant passer dans ses regards un torrent d’inextinguibles émotions. La mémoire transforme tout. L’histoire d’un premier grand amour peut-elle résister au temps qui passe et à la séparation ? Le roman apporte sa réponse…C’est le jeune Timothée Chalamet qui incarne Elio, avec une assurance troublante pour son âge et un abandon à ce rôle exigeant qui laissent augurer un bel avenir. Face à lui, Armie Hammer est un Oliver qui frôle la perfection dans une composition particulièrement écrite et complexe dans son évolution. Des seconds rôles au cordeau, des lumières, des paysages et une BO de grand luxe et voilà l’un des grands films de cette année. Assurément !
Robert Pénavayre
D’ascendance américano-russe par sa mère et française par son père, le jeune Timothée fait ses premiers pas à l’écran en 2008. Il a 13 ans ! Séries tv aidant, tout va aller très vite pour ce jeune garçon rapidement repéré par la profession. 2018 est déjà, à 22 ans, l’année de la consécration avec pas moins de trois films en salle (Hostiles, Lady Bird, Call me by your name) et une nomination à l’Oscar du meilleur acteur ! Ses projets ne manquent pas, depuis un biopic sur Henri V jusqu’au prochain Woody Allen. Mais sur ce dernier film, le suspense est complet car sa sortie est menacée d’annulation…