L’enlèvement au Sérail de Mozart, Capitole, dimanche 5 février 2017 (dernière représentation)
Il faudra attendre la dernière scène du dernier acte pour comprendre les images floues en noir et blanc d’une femme dansant, qui nous sont livrées au début de l’ouverture. Toute la puissance de la mise en scène qui veut vous tenir en haleine le long de l’opéra est résumée dans ce pont qui tient sur une des bizarreries du livret : Sélim regrette une femme autrefois aimée. Soit.
Deux autres actions nous sont proposées pendant l’ouverture, après tout la musique pourrait nous ennuyer. Un défilé de femmes sans cheveux, qui enfilent des Louboutin. Et des vagues en tissus qui bougent ; elles sont très agitées lors des forte et discrètes lors des piano. Gosh.
Le décor se résumera à faire monter et descendre des pans de tissu en batik qui tombent des cintres. Pas de meubles, pas de murs, pas d’horizon. Rien qui puisse permettre aux chanteurs d’ancrer leurs mouvements. Citons tout de même deux trouvailles qui sauveraient presque le concept. Dans l’air de Bacchus du deuxième acte, les danseuses en ombres chinoises et les tissus en mouvements, combinés avec la lumière, nous font tourner la tête autant que le vin à Osmin. Et une ambiance est réussie : le conte de Pedrillo au début de l’acte 3, servi par un orchestre aux pizzicatti impeccables, évolue dans une belle profondeur de scène qui n’est pas sans rappeler la perspective de Scamozzi à Vicence.
La plus épaisse trouvaille de la mise en scène consiste à manipuler des mitraillettes à tout bout de champ, sans pour autant que le déplacement au XXème siècle soit sensible. Les personnages sont les caricatures d’un livret qui n’est pas des plus fins. De ce point de vue, le traitement de Pedrillo, en crétin permanent, provoque l’apitoiement. La direction d’acteur est inexistante et atteint un gouffre dans le quatuor final de l’acte deux, pendant lequel les nobles Belmonte et Konstance évoluent avec douceur tandis que les primesautiers Blonde et Pedrillo virevoltent dans tous les sens. Gosh encore, quelle trouvaille.
Heureusement l’orchestre, impeccable en soit et parfaitement dirigé, et la plupart des voix, régalent nos oreilles. Franz-Josef Selig est un Osmin réjouissant : ample, juste, présent, avec un ambitus impressionnant, il est le sombre gardien qui croit protéger Sélim. Mauro Peter peine lui à incarner Belmonte, avec son physique de Siegfried et ses pas lourdauds. La voix est heureusement ajustée. La Konstance de Jane Archibald nous a fait des frayeurs au premier acte, avec des défauts d’attaque dans l’aigu et des petits soucis d’intonation, mais les deux actes suivants et particulièrement l’air Martern aller Arten sont impressionnants. Les soli parfaits de l’orchestre la portent et nous émeuvent. Enfin le beau timbre et la vivacité des interventions de Hila Fahima en Blonde nous ont procuré une grande joie ; elle parvenait parfois à faire sortir Pedrillo de son rôle de bouffon.
Thibault d’Hauthuille
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photos : Patrice Nin