Entamé au printemps, un cycle dédié au cinéma policier français se poursuit cet automne à la Cinémathèque de Toulouse qui invite le cinéaste Nicolas Boukhrief.
Le cinéma français étant le domaine privilégié des auteurs, les genres y ont peu prospéré. Seul le cinéma policier a très vite trouvé en France un territoire où se déployer, circulant à la fois du côté du cinéma populaire comme du côté des auteurs. La Cinémathèque de Toulouse poursuit cet automne un cycle dédié à ce genre, cycle entamé au printemps et reprenant à partir des années cinquante qui furent le cadre d’une véritable renaissance du genre. C’est l’apparition de la collection Série Noire, créée chez Gallimard par Marcel Duhamel au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, qui provoque ce renouveau sur grand écran, terreau de l’éclosion d’un âge d’or du polar à la française au cours des années 1960 et 1970.
Dans son ouvrage de référence « le Cinéma policier français » (1), François Guérif écrit: « Le film policier tient aussi du film d’aventures et se passe dans tous les milieux sociaux. Il recouvre des catégories différentes : énigme, thriller, film noir, psychologie criminelle, étude de mœurs, etc. Le film policier a deux types essentiels de personnages : celui qui commet le délit et celui qui cherche à découvrir comment a été commis le délit et/ou à mettre hors d‘état de nuire le responsable du délit ; autrement dit, le flic et le truand, le juge et l’assassin, le chasseur et le chassé. Dans ce dernier cas, et dans la catégorie suspense, cela peut être l’assassin et sa victime. En tout état de cause, le personnage est un véhicule qui permet de pénétrer partout et de dévoiler les vérités cachées que recèle le monde. Par ailleurs, comme tout film, le film policier reflète la société de l‘époque à laquelle il a été tourné. Mais, en dévoilant ce qui se passe “derrière” la façade, en évoquant les interdits, en constatant l‘évolution des lois, de la criminalité et de sa répression, il la reflète sans doute plus fidèlement qu’aucun autre genre », constate François Guérif.
Selon Franck Lubet, responsable de la programmation de la Cinémathèque de Toulouse, «le polar est à la fois populaire auprès des spectateurs et laboratoire pour les cinéastes. La Nouvelle Vague, qui vient bousculer le cinéma, n’y coupe pas. Truffaut tire sur l’ambulance en y mêlant éléments comiques et mélodramatiques (« Tirez sur le pianiste »). Godard, qui n’est jamais à bout de souffle, plonge Lemmy Constantine dans une aventure digne d’un collage surréaliste (« Alphaville »). Chabrol, l’œil malin, en fait un pied-de-biche pour disséquer la société (« Le Boucher »). Le polar n’est pas que divertissement, il est aussi dynamite. Les années 1970, 1980 – « Armaguedon », « Le Choix des armes », « Mort d’un pourri », « Extérieur, nuit », « Police » (photo), « L.627 » – le voient sortir de sa mythologie… pour en créer une nouvelle. Et c’est peut-être là l’essence du cinéma policier. Il peut parler de la société contemporaine, de sa production, en montrer les recoins les plus sombres, en dénoncer les institutions et se faire radiographie des hommes et des femmes qui la composent ; au final, il est surtout – il est avant tout – cinéma. Tour à tour iconographique et iconoclaste. Avec ses codes, que l’on respecte ou que l’on détourne, il est pour le cinéma un laboratoire où se fabriquent des images. Une imagerie. Une imageraie. Et quoiqu’on en pense, ce n’est pas par fascination pour les truands ou la maréchaussée que l’on aime le cinéma policier, mais pour le cinéma. On y trouvera un éventail de mises en scène (du cinéma de papa au cinéma de francs-tireurs, de la stylisation quasi abstraite de Melville au souci de vérité intransigeant de Pialat) réunies autour d’un dénominateur commun. Un genre.»
Le cinéaste Nicolas Boukhrief sera à cette occasion l’invité de la Cinémathèque de Toulouse, parce que ses « films (« Le Convoyeur », « Cortex », « Gardiens de l’ordre », « Made in France ») s’inscrivent parfaitement dans une tradition du genre tout en le renouvelant », termine Franck Lubet.
Jérôme Gac
(1) Éd. Veyrier
Du 9 novembre au 18 décembre,
à La Cinémathèque de Toulouse,
69, rue du Taur, Toulouse.
Tél. : 05 62 30 30 11.
photo: « Police »
© collections La Cinémathèque de Toulouse