Concert ; Festival de Prades 2016, 64 iéme édition ; Abbaye Saint Michel de Cuxa, Codalet ; Le Premier aout 2016 ; Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Adagio et fugue en ut mineur K.546 ; Quatuor pour hautbois, violon, alto et violoncelle, en fa majeur K.370 ; Quintette pour cor et cordes en mi bémol majeur K.407 ; Bohuslav Martinů (1890-1959) : Sérénade pour deux clarinettes et cordes, H.334 ; Leoš Janáček (1854-1928)/ Kryštof Mařatka (1972) : Quatuor à cordes « de jeunesse », transcription de Mladi; Jean-Louis Capezzali, hautbois ; André Cazalet, cor ; Michel Lethiec et Isaac Rodriguez : clarinette ; Bruno Pasquier, alto ; Quatuor Talich : Jan Talich et Roman Patocka, violon ; Vladimir Bukac, alto ; Petr Prause, violoncelle.
Musicalité rare et amitié au sommet pour ce beau concert
à l’Abbaye St. Michel de Cuxa.
Un programme intelligent et qui a séduit le public. D’abord une plongée dans la beauté pure qui émeut et rend heureux. Les Talich débutent seuls l’Adagio et Fugue de Mozart. Tempo mesuré, habitant les silences jusqu’ au bout. Phrases amples, sonorité d’airain impérial. Puis la fugue se développe lumineuse et sublime avec évidence. Chaque instrumentiste a un son admirable, déterminé et comme invincible, provoquant le choc de la beauté avec une strette enthousiasmante.
Bruno Pasquier à l’alto, Vladimir Bukac, alto du quatuor passant au violon 2 et le corniste André Cazalet s’installent. Le quintette pour cor et cordes de Mozart met en lumière une entente parfaite entre les musiciens. La complicité de chaque instant permet aux amis de proposer une interprétation hédoniste et enthousiasmante du Quintette. Le cor d’André Cazalet est de toute beauté : Des phrasés sculptés dans une matière noble, des nuances extrêmes et une aisance souveraine. Une pointe d‘humour et un chic infini réuni les artistes amis dans cette très belle musicalité partagée.
Quittant un instant Mozart c’est la très originale Sérénade pour deux clarinettes et cordes de Martinů qui a terminé la première partie du concert. Les deux clarinettistes Michel Lethiec et Isaac Rodriguez sont associés au premier violon de Roman Patocka, Vladimir Bukac, retrouve son alto et Petr Prause toujours royal au violoncelle.
Cette œuvre pleine de charmes est assez rare au concert. Elle nécessite un délicat équilibre entre émotions intimes et moments de joie partagée. Les deux clarinettistes arrivent à la perfection de ne faire qu’un voix. Mais ils savent s’affronter ou se compléter. Ils ont tout deux un sens aigue des phrasées amples reposant sur un souffle infini, des nuances creusées au plus profond et une variation de couleurs incroyables. Le violon de Roman Patocka est tout de finesse et d’élégance. La partie d’Alto est très présente et la beauté sonore de Vladimir Bukac est un régal. Signalons la présence très engagée du violoncelle de Petr Prause qui semble être le moteur immanent du quatuor.
La deuxième partie du concert permet de retrouver le divin Mozart avec son quatuor pour hautbois violon, alto et violoncelle. C’est un véritable bonheur de découvrir le hautbois de Jean-Louis Capezzali. Rondeur du son, élégance suprême des phrasés, virtuosité légère et musicalité partagée. De style globalement plus galant, la petite pointe de mélancolie de l’adagio touche au sublime avec de tels interprètes semblant respirer d’un même souffle (celui comme infini du hautbois).
La fin du concert a permis une création présentée par le compositeur lui même. Avec émotion le compositeur tchèque Kryštof Mařatka est venu expliquer quelle vérité intérieure l’a invité à transposer le sextuor Maldj de Leoš Janáček pour quatuor à cordes.
A juger du retentissant succès accordé par le public il a eu parfaitement raison et effectivement nous tenons la le troisième quatuor de Leoš Janáček. Ce serait fastidieux de décrire toute l’intelligence, la beauté et la force de jeunesse de cette partition. Les Talich comme en leur terre intime ont offert une interprétation bouleversante alliant perfection instrumentale et justesse des intentions musicales à chaque instant. Le violon de Jan Talich a semblé planer au dessus de la terre, souverain de pureté, chaque membre du quatuor semblant galvanisé. Le public a été d’un grand enthousiasme et a chaleureusement applaudi compositeur et interprètes.
Un grand moment de musique pour terminer un concert marqué par la grâce partagée entre amis, en toute simplicité.
Hubert Stoecklin.