Adolf Hitler avait souhaité faire des Jeux Olympiques de Berlin de 1936 une magnifique vitrine de propagande nazie. Et, de fait, les athlètes allemands remportèrent un nombre considérable de médailles d’or, devant les Américains. Mais en coulisse, au sein même du CIO, les discussions allaient bon train autour de la participation ou non d’athlètes noirs ou juifs. Pour ces derniers s’étaient vraiment trop demander… Quant aux Noirs, les USA mirent dans la balance leur participation à ces Jeux si Jesse Owens n’était pas admis à concourir. Hitler est obligé de céder et voit Jesse Owens rafler sous ses yeux rien moins que quatre titres olympiques, et pas des moindres : 100 m, 200 m, saut en longueur et relais 4x100m. Et en plus un Noir !
Le film de Stephen Hopkins se concentre sur deux épisodes clés de la vie de ce champion. Le premier le voit entrer à l’Ohio State University en 1934 et le second est bien sûr les JO eux-mêmes. A noter que les séquences olympiques ont été tournées dans le Stade berlinois de 1936. Le plus dur fut évidemment de trouver un comédien qui réponde aux différents critères, entre autres sportifs. C’est un jeune canadien de 22 ans qui incarne ici Jesse Owens. Lui-même athlète accompli, coaché par une multitude d’experts, Stephan James tient ici son premier grand rôle. Et de quelle manière ! Entouré de vétérans du métier, dont Jeremy Irons, il est le centre de combats idéologiques et politiques dont on connaît l’issue. Mais le film de Stephen Hopkins ne se veut pas un plaidoyer pro américain dans une Amérique torturée jusqu’à la moelle par la ségrégation. De nombreuses séquences nous en donnent, s’il le fallait, la preuve. Habilement montée, la réalisation instille en de courts moments les effets de la politique antisémite et raciste du Reich. C’est glaçant. Conjuguer avec un tel art le sport et sa contextualisation historique relève du grand art. Si ce film n’est pas un biopic à proprement parler de cet athlète, il n’en demeure pas moins le reflet d’un instant foudroyant au cours duquel un homme osa défier les forces du Mal qui allaient précipiter peu de temps après le monde dans un chaos sanglant.
Robert Pénavayre
Entretien avec Luc Dayan, producteur du film La couleur de la victoire
La couleur de la victoire
Réalisateur : Stephen Hopkins
Avec : Stephan James, Jeremy Irons, Jason Sudeikis… (durée : 1h58)
Jesse Owens, le vrai
Premier afro-américain ayant acquis une réputation internationale dans le sport, Jesse Owens (1913-1980) fut plusieurs fois recordman du monde dans 3 disciplines : 100m, 200 m et saut en longueur. Ce petit-fils d’esclaves découvre dans les années 20 du siècle dernier sa passion pour la course à pied. De 1930 à 1933 il remporte 75 des 79 compétitions auxquelles il s’inscrit De retour des JO de 1936, si les Américains lui réservent un triomphe, le Président Roosevelt l’ignore totalement afin de ne pas vexer les Etats du Sud dans le cadre de sa réélection. Et le quadruple médaillé de Berlin continue donc de s’asseoir au fond des bus…