Directement inspiré du livre que signe Jérôme Kerviel en 2010 : L’Engrenage, mémoires d’un trader, le scénario du dernier opus du réalisateur des célèbres Choristes (2003) structure un film puissant, vertigineux, nerveux, anxiogène et…nécessaire. Nécessaire car il passe au peigne fin l’histoire d’un mec (comme dirait…), timide à la base et qui deviendra un véritable loup de la finance la plus occulte et venimeuse qui soit, celle des options, c’est-à-dire celle de la spéculation la plus effrénée.
Ce marché a des effets de levier gigantesques, incommensurables…dans les deux sens. Soit c’est la fortune, soit c’est la ruine. Pour Jérôme Kerviel (Arthur Dupont, simplement stupéfiant !), être trader relève du fantasme. Et pourtant c’est bien le poste qui lui est proposé au bout de quelques années au purgatoire du middle office de la Société Générale où il est entré en 2000.
Sous la houlette de son patron, Keller (François-Xavier Demaison, toujours aussi épatant et…ex-trader dans une vie antérieure), Jérôme va apprendre toutes les ficelles du métier. Toutes… Pugnace, courageux, téméraire, il va sortir vainqueur de deals aventureux et faire gagner des sommes considérables à sa banque. Celle-ci, tout en sachant que les dites sommes sont le résultat de larges dépassements des autorisations d’investissement de Jérôme, va s’empresser de fermer les yeux en même temps que le tiroir-caisse. Les plus proches collègues d’un Kerviel devenu star dans le service prennent eux-mêmes peur devant les positions de Jérôme. Un engrenage fatal va s’emparer du cerveau de ce jeune homme de 30 ans à peine, effaçant toute raison et tout jugement. Une énorme position se révèle prise dans le mauvais sens, il fait la dernière des choses à faire, il la double en pensant cette fois avoir raison. La position est alors de 50 milliards d’€, plus que les fonds propres de la banque. Et le marché ne veut toujours pas se retourner.
On connaît la suite mais le talent de Christophe Barratier et celui de ses comédiens sont tels que déjà vous êtes en surpression cardiaque. Un scénario d’une précision chirurgicale et un montage d’une folle énergie achèvent de faire de ce film un véritable modèle du genre. A noter que l’affaire Kerviel est loin d’être close. La non-reconnaissance de ses faiblesses par la banque lui a épargné plus de 2 milliards d’impôts. Pour l’instant. Mais, à vrai dire, depuis le début, le sujet est là et pas ailleurs.
Robert Pénavayre
L’Outsider
Réalisateur : Christophe Barratier
Avec : Arthur Dupont, François-Xavier Demaison, etc.
Durée : 1h57
Genre : Thriller
Arthur Dupont – « Mon nom, j’en suis fier ! »
Sympathique, courtois, naturel, voilà l’image de ce jeune trentenaire à l’orée, n’en doutons pas une seconde, d’une formidable carrière. Cette dernière, il l’a débutée à 8 ans. Après un court passage à la Sorbonne, il intègre la Compagnie des Salles Gosses puis le Cours Simon. Une trentaine de films pour la Petite Lucarne après, voici, enfin, le grand écran et des rôles de plus en plus exposés. Chanteur, compositeur, acteur, réalisateur aussi, celui qui a horreur d’être comparé à un clone de Romain Duris, se forge, lentement mais surement, une stature d’incontournable du 7ème art français. Nominations et prix prestigieux saluent dès aujourd’hui un talent à suivre absolument.