A quelques heures du concert de Dog Eat Dog à Toulouse nous avons eu l’opportunité de rencontrer Dave Neabore, la tête pensante du groupe depuis 1990. Fraîchement revenu d’une petite ballade dans la ville rose où l’homme a écoumé les disquaires (c’est un féru de musique de films…), c’est un Dave souriant et avenant qui nous a reçu dans le tour bus de Dog Eat Dog. La classe…
Vous êtes actuellement en tournée, vous avez joué en Autriche, en République Tchèque, en Pologne, en Allemagne et maintenant en France… Comment se passe cette tournée jusqu’ici? Quelle a été la réponse des fans ?
Jusqu’ici, tout se passe très bien. Nous avons beaucoup d’amis en République tchèque et en Autriche, car nous y avons joué souvent et du coup, l’on savait un peu à quoi s’attendre. Lorsque l’on vient ici à Toulouse ou hier à Bordeaux, des villes où Dog Eat Dog ne s’est jamais produit, nous découvrons de nouvelles villes et de nouveaux amis, et c’est ce que j’adore le plus quant au fait de partir en tournée.
Je dois avouer que je suis tombé amoureux de votre ville, elle est vraiment magnifique, on a pu s’y promener cet après-midi. Bordeaux également, nous sommes contents d’avoir l’opportunité de pouvoir nous reconnecter avec nos amis Français, spécialement dans des endroits où ne sommes jamais allés au cours de nos 26 années de carrière.
« L’année dernière, on est rentré en studio à Holland, et on a fait les démos de 10 nouvelles chansons » – Dave Neabore
Vous êtes en tournée pour célébrer les 20 ans de « Play Games ». C’est un album special pour Dog Eat Dog ?
Il est spécial dans la mesure où il constitue un peu la suite et la continuité de notre hit surprise « Who’s The King ? » de l’album « All Boro Kings ». Il faut avouer que cet album a été conçu dans la hâte car la maison de disque de l’époque voulait bien sûr capitaliser rapidement sur notre succès.
On a dû travailler très vite sur de nouvelles compositions, car suite à l’album « All Boro Kings », nous n’avions vraiment plus rien en stock.
La direction de « Play Games » a été un peu différente suite notamment à quelques changements de line-up à l’époque. Mais il a eu beaucoup de succès, « Isms » et « Rocky » ont été des hits sur MTV, et notre fan-base s’est agrandie tout en se rajeunissant. Et avec le temps, beaucoup de gens ont réellement apprécié cet album et du coup, on s’est dit que c’était une bonne idée de fêter les 20 ans de « Play Games » en jouant des titres issus de cet album que l’on a peu ou jamais joué en live. On apprécie beaucoup ça, car cela nous permet de rafraîchir notre setlist en fouillant dans notre catalogue. On s’amuse beaucoup…
Tout le monde s’accorde à dire que « Play Games » est l’album le plus pop de Dog Eat Dog et ce, malgré une grosse production rock. Après 20 ans, tu es toujours d’accord avec ça ?
Je suis entièrement d’accord, j’en prends certainement la responsabilité et le blâme, si on veut appeler ça comme ça.
A l’époque, au milieu des années 90, avec des groupes de pop-punk comme Green Day, The Offspring qui étaient massivement diffusés, j’ai forcément dû être influencé… Quand on écoute le titre « Rocky » par exemple, on ressent bien l’influence d’un groupe comme Bad Religion.
On n’a jamais eu de formules préétablies, on se regroupait simplement dans une pièce en jouant ce que l’on voulait et aimait. Disons que cet album est un produit de cette époque et des gens qui étaient dans le groupe à ce moment-là. Mais je reste très fier de ce que l’on a réalisé avec « Play Games ».
Après un hiatus plutôt long, Dog Eat Dog semble plus actif depuis 2009 / 2010. C’est difficile de mettre en place une tournée pour vous sans album à defendre ?
Absolument, c’est un défi. Après, nous avons la chance d’exister et d’être ensemble depuis très longtemps, nous avons ce que j’appellerais presque une marque de fabrique, les gens connaissent le nom de Dog Eat Dog.
Les personnes qui viennent actuellement à nos concerts sont souvent ceux qui ont été touchés et affectés par notre travail dans les années 90, les jeunes skateboarders ou snowboarders qui ont maintenant la quarantaine… Ils veulent revivre ces moments passés, ces souvenirs.
Souvent après les shows, des gens viennent nous voir en nous disant qu’ils ont eu l’impression d’avoir de nouveau 15 ans ! Et pour moi c’est un super compliment…
Pour ce qui est de tourner sans avoir de nouvel album à promouvoir, ce n’est pas facile. Mais d’une manière ou d’une autre, les choses s’améliorent pour nous, nous bossons sur de nouveaux titres… D’ailleurs ce soir nous interpréterons deux nouvelles chansons. C’est un processus lent car nous n’avons plus de maison de disques, nous avons nos vies, nous vivons loin les uns des autres et c’est donc difficile de tous nous retrouver.
En gros, nous devons venir en Europe pour jouer quelques shows, et profiter des quelques journées de repos que l’on a pour enregistrer en studio. On a l’espoir de sortir d’ici la fin de l’année un nouveau titre, même si j’ai conscience que je dois dire cela chaque année. Mais on s’en approche, on joue de nouveaux morceaux maintenant, l’année dernière, on est rentré en studio à Holland, et on a fait les démos de 10 nouvelles chansons. Donc, je promets qu’on à la base pour de nouvelles compositions…
On peut donc dire qu’effectuer cette tournée est un moyen de « tâter le terrain » pour une éventuelle sortie d’album?
Absolument, à 100 %. On essaie de nouveaux titres, on est à mi-chemin de la tournée, nous en jouerons deux ce soir, et sur le reste des 10 dates restantes, on bossera sur deux nouvelles, ce qui donnerait 4-5 nouveaux titres que l’on pourrait enregistrer.
En ce moment, nous sommes en pleine phase d’arrangements et des parties vocales…
Le crowfunding semble être une réelle alternative aux maisons de disques puisque les groupes peuvent eux-mêmes réaliser leurs propres albums. Pensez-vous pouvoir sortir un disque par ce biais-là ?
On en a parlé, car c’est un concept populaire, mais à la fin de la discussion, on n’avait pas très envie de mendier de l’argent auprès de nos fans. On préfère dépendre de nous-même, quitte à ce que cela prenne plus de temps. Je préfère que les gens viennent à nos concerts, achètent nos t-shirts, ce qui nous donnera l’argent nécessaire pour un enregistrement.
Et puis même si vous nous donniez de l’argent, cela ne résout pas le problème de logistique qui vient du fait que nous vivons loin les uns des autres, trouver le studio adéquat, même si nous avons dorénavant notre home-studio à Holland. L’argent n’est pas spécialement le problème…
Nous diffuserons peut-être notre musique gratuitement, ou l’enregistrer pour la vendre après les concerts, nous ne voulons plus d’une maison de disques et être impliqués dans ce business qui ne nous a apporté que des problèmes par le passé. Nous pensons que tout faire soi-même, sans intermédiaires entre nous et notre public reste la meilleure chose à faire à l’avenir.
« On ne triche pas avec nos fans, on leur donne tout ce qu’on a chaque soir et qu’il y ait 20, 200 ou 20000 personnes ne change rien pour nous : on se donnera toujours à plus de 100 %! » – Dave Neabore
Comment tu vois la scène actuelle depuis les années 90 ?
Il y a toujours de bons groupes et de bonne musique, après, pour ce qui est de notre scène particulièrement, je ne sais pas… Je ne vis pas en Europe, je vis juste un peu en-dehors de New York et ce n’est plus du tout ce que c’était. Les groupes viennent et jouent, mais la scène n’est pas unifiée comme avant, où tous les groupes se supportaient les uns les autres.
Maintenant, les groupes bataillent simplement pour faire un parler d’eux, pour se faire signer, c’est un peu comme un retour à la case départ. C’est dur, personne n’est vraiment signé sur des maisons de disques…
Mes amis plus jeunes me disent parfois que j’ai réussi, je fais des disques, je pars en tournée, j’ai mon propre bus, et me demande mon secret ? Je n’ai pas de conseils à donner… Avant, il n’y avait pas d’internet, pas d’obstacles comme aujourd’hui, les maisons de disques avaient de l’argent pour vous aider, plus personne ne fait ça maintenant. Il faut tout faire soi-même, au mieux ils vont distribuer votre disque, mais dans combien de magasins ? Surtout que les CD se vendent beaucoup moins. Cela n’a jamais été aussi dur. La seule chose que vous pouvez faire, c’est jouer de la musique qui vous rend heureux, et je dis cela pour les jeunes groupes, faites-ça pour la musique uniquement, pas parce que vous pensez avoir du succès, car vous risquez de faire face à une grosse déception. Si vous êtes chanceux et que le timing est bon, et que vous musique est originale, vous avez une chance…
Mais j’entends de la bonne musique constamment, elle ne va pas disparaitre, j’ai l’impression que nous devons retourner aux vinyles, que les groupes enregistrent des disques vinyles, car tu dois alors payer ce disque, le mettre sur ton lecteur, et cela devient comme une nouvelle réalité. Un retour dans les années 80, et peut-être que de petits labels indépendants se créeront, on verra…
Dave, tu as réalisé pas mal de courts métrage horrifiques par la passé via Creepy Monster Production. Par contre, il n’y a rien de nouveau sur ta chaîne YouTube depuis « When A Stranger Tweets » (2014)… Tu ne t’intéresses plus à la réalisation ?
Je viens de terminer la B.O. d’un film de la République Tchèque dont le nom anglais est « Not NowPeaches ». Je n’ai pas récemment dirigé quoi que ce soit, car je me suis un peu senti découragé. Pendant dix ans, j’ai bossé très dur afin de réaliser des courts métrages, de faire quelque chose de créatif, c’est un peu comme la musique, il n’y a pas énormément de débouchés pour ça… Et il y a tellement de concurrence, que ce n’est vraiment qu’un hobby pour moi, pour le fun.
Mais j’arrive à un tournant, et je vais recommencer avec de nouveaux courts métrages, de la nouvelle musique. J’ai fait un break, enregistré de la musique par mes propres moyens, quelque chose de thrash metal, hardcore qui me sied bien.
J’ai prévu d’acheter une nouvelle caméra, un nouvel ordinateur, ainsi que du nouvel équipement. Merci d’avoir regardé mes films, car les gens ne réalisent pas la quantité de travail qui a été nécessaire pour les faire. Beaucoup de jours et de nuits, de semaines, de mois à filmer, monter etc.
Je me suis demandé pourquoi je faisais ça… Je me suis senti un petit peu découragé, mais je me reprends peu à peu : j’ai acheté un nouvel équipement pour m’y remettre sérieusement. Mon but est de faire un long ou moyen métrage car j’ai réalisé que les courts métrages étaient sympas à faire, mais au final, ça n’amène pas grand-chose…
Mes films ont déjà été diffusés dans des petits festivals, mais le public oublie vite les courts-métrages. Avec un film plus long d’environ 75 minutes, il y a plus de chance qu’il soit diffusé dans de plus gros festivals et peut-être même être distribué en DVD par une petite boîte de production indépendante. Je vais réessayer !
En parlant de film d’horreur, comment tu vois les élections présidentielles aux USA ?
Ça fait plus peur que tous les films d’horreur que j’ai déjà vus !
Je dois avouer que c’est la première fois de ma vie que je suis de si près une campagne d’élection présidentielle. On ne peut pas y échapper. Je regarde les informations tous les jours… et j’ai bien peur pour le futur des USA… J’aurais aimé dire quelque chose d’autre mais je ne pense pas qu’il y ait un candidat qui représente vraiment ce en quoi je crois.
Je pense que ce sera sans doute 4 années effrayantes pour le monde entier… Désolé de dire ça…
Vous avez intitulé votre premier EP de 1992 « Warrant » alors que le groupe de glam Warrant a intitulé son EP « Dog Eat Dog » à la même période… C’est un clin d’œil ?
Non… On a commencé en 1990 et on a réalisé une démo sur le nom de Dog Eat Dog en 1990/1991. Nous n’étions pas encore connus, mais nous avions déjà le nom Dog Eat Dog.
Et c’est en 1992 que Warrant a sorti son EP « Dog Eat Dog »… J’étais vraiment en colère car au moment où on s’apprêtait à sortir notre premier disque personne n’utilisait le terme Dog Eat Dog et voilà qu’un gros groupe arrive et nous coupe l’herbe sous le pied.
On s’est donc dit qu’on allait intituler notre EP « Warrant » pour les emmerder. C’était drôle car à chaque fois qu’on allait chez un disquaire aux USA à cette époque on pouvait trouver leurs disques dans notre petite section et notre EP dans la leur.
C’était marrant car ça a fait parler pas mal de musiciens… mais le plus drôle c’est qu’il y a quelques années de ça, on faisait un concert à Holland et le batteur de Warrant est venu. Il nous a dit : « je voulais absolument rencontrer le groupe Dog Eat Dog« puis il a ajouté « le chanteur de Warrant a vraiment était en colère mais moi je m’en foutais… ». Nous sommes devenus de très bon amis, il est devenu par la suite le batteur de Scorpions. C’était une histoire marrante au final, et ça nous a permis de faire notre petite controverse…
Comment tu as réagi à la mort récente de Janilane, le chanteur de Warrant ?
Je n’aime jamais apprendre la mort de quelqu’un… Je n’ai jamais été un grand fan de Warrant ni de hair metal en général et ce n’était pas comme si je perdais un proche mais quand un musicien, une célébrité ou un acteur décède ça m’affecte. Nos jours ici-bas sont comptés, c’est juste une question de temps… Mais quand une célébrité décède ça fait toujours quelque chose…
Tu as un rituel avant de monter sur scène ?
J’aime bien boire quelques bières… mais en général tous les membres du groupe se retrouvent ensemble, on se check, on partage le moment. On apprécie le fait que ça fait 26 ans qu’on fait ce métier et qu’on continue à le faire, qu’on a toujours l’envie de continuer et qu’il y a toujours des gens qui s’intéresse à nous. Ça veut dire beaucoup pour nous, on ne prend rien pour acquis… On apprécie chaque jour, chaque ville, chaque concert, chaque repas… notre rituel c’est juste de dire merci pour tout ça.
« C’est la première fois de ma vie que je suis de si près une campagne d’élection présidentielle (…) et j’ai bien peur pour le futur des USA… » – Dave Neabore
Est-ce qu’il y a une personnalité (hors sphère musicale) qui t’inspire ?
En ce qui me concerne – mais je suis sûr que c’est différent pour chaque membre du groupe – je suis un fan de cinéma et des vrais artistes comme David Lynch qui n’en n’ont rien à foutre de ce que les gens pensent d’eux m’inspirent beaucoup. J’aime beaucoup voir des artistes qui ont 60 ou 70 ans continuer à faire leur métier, même des groupes plus anciens que nous continuer à jouer, car ça me donne l’espoir de voir qu’il y a encore un futur possible… On n’est pas obligé de tout arrêter parce qu’on a 40 ans ! Quand on est artiste on peut à l’être jusqu’au bout et continuer à créer même à 80 ou 90 ans !
Je m’intéresse pas mal aux artistes des 60’s et des 70’s qui continuent à faire de l’art digne de ce nom, ça m’inspire à continuer à faire ce que je fais…
Un plaisir musical coupable ? Et ne me réponds pas Warrant…
Je ne devrais rien dire car si tu regardes mon IPod tu serais sans doute interloqué sur des trucs qu’il m’arrive d’écouter… J’aime vraiment écouter différents styles de musique mais parfois les temps sont difficiles et un peu de pop peut te mettre le sourire. Je n’ai donc pas peur de dire que j’aime bien la pop et l’électro mais les B.O. de films sont vraiment ma passion et j’en écoute beaucoup. Parfois quand des gens montent dans ma voiture ils se demandent ce que j’écoute… je leur réponds souvent que c’est une B.O. d’un petit film étranger que personne ne connait. J’aime ça. Parfois quand c’est tiré d’un film totalement inconnu j’ai l’impression d’être la seule personne à en connaître la musique… j’adore ça !
Un dernier mot ?
J’apprécie vraiment que vous ayez pris le temps de me poser ces questions et même d’aborder mon penchant pour les films. Ça me fait vraiment plaisir car j’ai beaucoup travaillé dessus mais Dog Eat Dog c’est ma vie et j’y ai consacré beaucoup d’efforts depuis des années même si ça fait longtemps qu’on n’a pas sorti d’album. La passion de jouer live et de se donner à 110 % tous les soirs est toujours là (vous verrez ça, ce soir). On ne triche pas avec nos fans, on leur donne tout ce qu’on a chaque soir et qu’il y ait 20, 200 ou 20000 personnes ne change rien pour nous : on se donnera toujours à plus de 100 % !
Dog Eat Dog vous donne rendez-vous en France aujourd’hui, puis nous reviendrons vous voir plus tard de nombreuses autres fois…
Propos recueillis par Fab & Vincent B
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