Chaque mercredi, nous vous proposons de découvrir ou redécouvrir un film américain passé inaperçu lors de sa sortie.
C’est en réalisant tous les épisodes de la première saison de True Detective, série créée par l’écrivain Nic Pizzolatto pour la chaîne HBO et diffusée en 2014, que Cary Joji Fukunaga a acquis une notoriété mondiale. Car si le succès public et critique de True Detective dut beaucoup à l’interprétation de Matthew McConaughey et de Woody Harrelson, la mise en scène de ce jeune cinéaste américain né (de père japonais et de mère suédoise) en 1977 ne compta pas pour rien dans la fascination hypnotique suscitée par cette œuvre. Avant cette aventure télévisuelle, Fukunaga avait signé en 2011 une très convaincante version du Jane Eyre de Charlotte Brontë (avec Mia Wasikowska et Michael Fassbender) et surtout, en 2009, un premier long-métrage qui témoignait d’une force et d’une maîtrise rare.
Sin Nombre nous plonge dans l’univers des « maras » (gangs latinos transnationaux) et des immigrés latino-américains tentant de passer aux Etats-Unis. On découvre ainsi dans le Chiapas, au sud du Mexique, Casper – membre de la Mara Salvatrucha 13 – intronisant Smiley, un garçon d’une dizaine d’années, dans le gang. Plus au sud, au Honduras, Sayra, une adolescente, s’apprête à effectuer une longue traversée en compagnie de son père et de son oncle vers la terre promise des USA. Mais leur chemin va croiser celui de Casper, Smiley et du féroce chef de la Mara Salvatrucha…
Tout en étant d’une précision quasi-documentaire et en apportant un grand soin aux détails, Sin Nombre ne sacrifie pas le spectacle ni la tension. Par ailleurs, s’il montre la détresse et l’exploitation des immigrés clandestins, Fukunaga n’encombre pas son film d’un discours militant et s’attache avant tout aux destinées de personnages déchirés entre aspirations individuelles et attachement à leurs familles. Sûr de sa mise en scène à la fois nerveuse et fluide, il nous fait partager de vrais moments de cinéma (plans hallucinants, diurnes et nocturnes, sur les zones désaffectées transformées en gares d’embarquement) qui évitent le voyeurisme.
Au final, Sin Nombre prend des accents de tragédie shakespearienne portée par des comédiens (professionnels et non professionnels) impressionnants. Cette œuvre âpre, sombre et violente révélait un réalisateur que l’on a retrouvé aux commandes du premier film produit en 2015 par la plate-forme de VOD Netflix : Beasts of No Nation.