Chaque mercredi, nous vous proposons de découvrir ou redécouvrir un film américain passé inaperçu lors de sa sortie.
Last Kiss de Tony Goldwyn
Dans le paysage de la comédie sentimentale américaine contemporaine, on peut – en grossissant légèrement le trait – définir deux grandes familles : d’une part, celle de films conventionnels, sages et bien-pensants (la liste serait trop longue) ; d’autre part, celle volontiers iconoclaste, assumant son mauvais goût ainsi que son mauvais esprit que l’axe Judd Apatow (producteur, scénariste et réalisateur à qui l’on doit 40 ans toujours puceau ou En cloque mode d’emploi) / frères Farrelly (Mary à tout prix, Les Femmes de ses rêves…) résume assez bien. Last Kiss de Tony Goldwin serait une sorte de chaînon manquant entre ces deux univers. Au premier, il emprunte le casting de célibataires et de couples jeunes et jolis. Au second, un certain refus des conventions. Remake de Juste un baiser de Gabriele Muccino (énorme succès au box-office italien en 2001), scénarisée par Paul Haggis (scénariste de Million Dollar Baby d’Eastwood et de Collision dont il assura également la mise en scène), cette comédie douce-amère expose les atermoiements de Michael, âgé de 29 ans et qui partage la vie de la belle Jenna. Lorsque celle-ci lui déclare qu’elle est enceinte et qu’elle aimerait qu’ils achètent une maison, le jeune homme voit son avenir s’inscrire dans les chemins balisés d’une normalité aussi confortable qu’ennuyeuse. Du côté de ses meilleurs amis connus à la maternelle, la situation est encore pire. Chris quitte sa femme car la naissance de leur enfant a brisé le couple. Kenny collectionne les aventures en fuyant tout engagement et Izzy ne se remet pas du départ de celle qui était sa petite amie depuis l’adolescence. Pendant ce temps, les parents de Jenna – devenus des inconnus l’un pour l’autre – se séparent. Pour couronner l’ensemble, Michael rencontre lors d’un mariage Kim, étudiante mutine avec laquelle il va avoir une aventure…
Avec ce tableau de couples au bord de la crise de nerfs, Last Kiss bouscule les archétypes d’usage. Amour, amitié, famille : rien n’est vraiment solide ici et cette remise en cause est d’autant plus déstabilisante qu’elle se produit dans un univers social aussi protégé que possible. Le personnage de Michael est dépeint avec une juste distance, tel un garçon ordinaire rêvant d’une existence un peu plus romanesque, naviguant entre petits mensonges et vérité aux effets dévastateurs. La réussite du film doit beaucoup à l’interprète principal, l’excellent Zach Braff, surtout connu pour son rôle dans la série Scrubs, mais réalisateur, auteur et interprète du formidable Garden State (2004), autre comédie mélancolique. Derrière la caméra de Last Kiss, on trouve encore un acteur atypique. Petit-fils de Samuel Goldwyn (cofondateur de la mythique Metro Goldwyn Mayer), Tony Goldwyn enchaîna des seconds rôles (Ghost de Jerry Zucker, L’Affaire Pélican d’Alan J. Pakula, Nixon d’Oliver Stone) avant de passer à la réalisation en 2000 avec Le Choix d’une vie, dont il est également le producteur, puis Attraction animale, où il dirige Hugh Jackman et Ashley Judd, tout en poursuivant occasionnellement sa carrière d’acteur et en mettant en scène des séries télévisées. De la rencontre entre ces deux hommes aux parcours assez inhabituels est née une comédie au ton singulier sachant éviter le cynisme autant que le sentimentalisme. Ce n’est pas si fréquent.