Voir sur le site, les très nombreux articles se rapportant à ce concert du cycle Grands Interprètes.
On se demande bien comment Olivier Messiaen a pu écrire une “chose“ pareille. Résumons l’œuvre par cette unique citation : « Cette musique s’étend, coule, rebondit, se rue en rapides ou se précipite en cascades comme les fleuves immenses de là-bas (…). La Turangalila-Symphonie me prend, me soulève, me capte, me bouleverse. Et pourquoi ne le dirai-je pas, c’est un chef-d’œuvre. » Et comment peut-on arriver au bout de ces soixante-quinze minutes. Cette énorme fresque en dix volets, cet inépuisable roman en dix chapitres vous laisse anéanti.
Gustavo Dudamel est à la tête de ses troupes, galvanisées par un tel challenge. Le jeune chef d’orchestre vénézuélien n’en est pas à son premier coup de maître. Rien ne semble lui faire peur. C’est impressionnant. On peut penser qu’un peu de “bouteille“ ne ferait pas de mal !! Mais non, le musicien est allé à la pêche dans la hotte des partitions les plus improbables de la direction d’orchestre. De plus, c’est avec un Orchestre réputé d’accord, mais on n’a jamais dit que le Sinfonica Simon Bolivar est actuellement le meilleur du monde. Et pourtant, leur détermination, la confiance indéfectible en leur chef, la “gnaque“ au niveau de tous les musiciens de tous les pupitres, ça vous renverse des montagnes : la preuve. Rien que la lecture de l’effectif orchestral vous épuise déjà. Le chef ne risque pas de se battre avec les pages de la partition, pas le temps, c’est évident.
Au piano, Yuja Wang n’a guère le temps non plus et pourtant il lui faudra assumer là aussi une invraisemblable partition tout en se battant contre les pages récalcitrantes qui ne veulent pas rester tranquilles. Une rude bataille qui sera gagnée par l’opiniâtreté de la jeune pianiste chinoise. Son engagement, je le reconnais, me ravit.
Aux ondes Martenot, la partie semble plus aisée pour Cynthia Millar tout en sachant que les sons produits demandent la plus grande rigueur, dans les passages lents, tendres comme dans les passages plus enflammés, passionnés. Mais la maîtrise de la musicienne est totale.
Autant dire que cette œuvre ne semble se concevoir qu’en concert. Que peut-on apprécier sur support, à plus forte raison quand on vous rend la musique un brin compressée : c’est impossible. Tout au plus, peut-on penser que l’équilibre orchestre, piano et ondes Martenot pouvait être plus délicat à trouver au vu du nombre d’exécutants, mais l’ensemble avait fort belle allure tout de même. Et qui, dans l’assistance, pourrait se permettre d’afficher la moindre moue dubitative ?!! de “pinailler“ sur le moindre des dix mouvements ?
Merci aux structures qui nous ont permis d’entendre ce chef-d’œuvre dans de telles conditions.
Michel Grialou
Orquesta Sinfónica Simón Bolívar de Venezuela
Gustavo Duhamel (direction) – Yuja Wang (piano)