Disparue de l’affiche depuis 1973, c’est hélas, l’une des œuvres lyriques les moins jouées de Serge Prokofiev. Elle constitue un éclat de rire bien étrange quand on songe à côté, à la noirceur de l’Ange de feu, à la grandiloquence de Guerre et Paix, ou encore à la féerie de l’Amour des trois oranges, ou l’héroïsme de la nouvelle Je suis le fils d’un peuple laborieux lui inspirant Siméon Kotko.
En musique, le rire est moins fréquent que la tragédie ! C’est pourtant bien du rire qu’il s’agit ici avec ces étourdissantes Fiançailles au couvent, une des œuvres les plus joyeuses de tout le répertoire, mais toute empreinte de lyrisme, et sans nul doute la parenthèse la plus burlesque dans les compositions de Prokofiev. Son autre titre est La Duègne car le livret est tiré d’un authentique “mask“ intitulé The Duenna écrit par l’auteur dramatique anglais Richard Sheridan, souvent rapproché de Beaumarchais. Elle met en scène une journée pour le moins aussi folle que celle du Mariage de Figaro, fertile en intrigues, imbroglios et déguisements, constituant un dérivatif salutaire aux ouvrages les plus récents de Prokofiev, ouvrages “sérieux“ répondant aux exigences patriotiques de la réalité soviétique du moment : nous étions en 1939.
Ici, et pour la première et unique fois, Prokofiev investit l’opéra-bouffe dans la plus pure tradition du genre, sans autre prétention que la mise en scène d’un univers loufoque et absurde. Très fidèle à l’écriture de la pièce, il peut mettre en musique de courtes pièces : sérénades, ariettes, duos, quatuors, ensembles vocaux. La caractérisation musicale des personnages est particulièrement convaincante, quelques mesures suffisant pour nous les peindre en chair et en os.
C’est une équipe anglo-russe qui conduit cette nouvelle production avec une distribution en majorité russe et, menant le tout, le chef ossète Tugan Sokhiev qui n’a plus à démontrer ses immenses qualités dans la direction d’une œuvre lyrique. Il fut révélé d’ailleurs en 2004 par toutes les qualités de sa direction de L’Amour des trois oranges au Festival d’Aix-en-Provence.
Quant à l’histoire ?! Sachez que cette redite, comique mais profondément lyrique et mélodique du Mariage forcé s’achève par une triple union bénie dans un monastère de moines paillards, le tout dans l’allégresse, et le..vin.
Théâtre du Capitole – du 11 au 19 janvier