Après Les Pigeons d’argile, le public semble s’être plongé avec volupté, et immergé complètement, dans cet opéra de jeunesse que la production, encore une nouvelle sur notre scène, a ardemment mis en valeur, musique, chant et théâtre confondus, et ici, dans l’ordre qui vous conviendra personnellement. Si le précédent ouvrage était une création mondiale, celui-ci n’en constitue pas moins, une création capitoline pour un opéra de…1843.
Inutile de s’étendre, l’essentiel a déjà paru ici dans mon annonce du spectacle que vous ne manquerez pas de relire. Ce sera donc un simple compte-rendu d’impressions, en toute subjectivité.
Les trois voix indispensables sont au rendez-vous avec un baryton que les anciens rapprocheront d’un certain Renato Bruson. Le roumain Sebastian Catana a fait une très vive impression avec un chant magnifique et un investissement scénique ne souffrant aucune critique, à mon goût ! C’est du grand baryton.
Pour le ténor, ici primo tenore, c’est un rôle d’une difficulté sans pareille. Il hésite, dit-on en langage référencé!, entre l’émission du drammatico romantico et le legato spianato du lirico donizettien. Le vénézuelien Aquiles Machado fait face vaillamment, et le public qui, en très très grande majorité, découvrait cet opéra, a su lui rendre un vibrant merci pour la performance vocale et scénique. Ce n’est pas lui faire offense si l’on dit avoir pensé au jeune Placido Domingo à plusieurs instants.
Quant à cette malheureuse Lucrezia qui perd en quelques minutes, son époux et son père à la fois, Tamara Wilson nous a fait la démonstration qu’elle évolue rapidement vers les rôles placés tout en haut des affiches à venir, verdiennes et autres. Sa Leonora du Trouvère, ici même, nous avait convaincus, cette Lucrezia achève le travail, et tous les plus grands rôles de soprano soumise aux règles du grand drammatico d’agilita di forza, sont maintenant à sa portée. Nous la reverrons, c’est obligé, dans un grand rôle plus célèbre, verdien ou proche, il ne peut en être autrement. On apprend avec grand intérêt, qu’elle vient de mettre à son répertoire Norma. Logique. Quant au méchant Loredano, la basse Leonardo Neiva, il fut un méchant, très plébiscité !
Les Chœurs bien sûr, sont encore remarquables, la part belle étant faite au Chœur d’hommes. Profitons-en pour signaler leur concert du 21 avril dans un programme intitulé : Visages de l’Amérique construit autour de Samuel Barber et Leonard Bernstein. Ils sont placés sous la direction musicale de leur chef Alfonso Caiani.
Les décors, les costumes, les lumières et la mise en scène de Stefano Vizioli ont parfait un ensemble au niveau duquel il paraît bien difficile d’extirper quelques points négatifs fragilisant tel ou tel tableau. Quant à la fosse et son chef, Gianluigi Gelmetti, son enthousiasme communicatif pour la partition nous a fait retrouver Verdi. Il est bel et bien présent en effet. Motifs, accords,… nous ramènent à Nabucco, Ernani, Macbeth, Traviata !etc. Don Carlo frémit déjà.
Les Deux Foscari est un opéra de jeunesse, ou classé tel que. Pour qui pouvait connaître la partition, ou d’autres interprétations, un peu plus de raffinement aurait pu les convaincre davantage. Mais, pour la grande majorité du public, le niveau de satisfaction ne laissait planer aucun doute. Enthousiasme général. Là, est bien l’essentiel. Découvrir un opéra dans de telles conditions, qui pourrait faire un tantinet la fine bouche ? Quant à la recette verdienne pour la confection de ses petits plats opératiques, moi, j’adhère !
Michel Grialou
Théâtre du Capitole jusqu’au 25 mai
photos : Patrice Nin