Chaque semaine, on vous invite à lire une nouveauté, un classique, un livre injustement méconnu ou simplement à découvrir.
Je suis né du diable de Jean-Christophe Grangé
Les lecteurs attentifs des romans de l’auteur des Rivières pourpres et du Serment des limbes avaient repéré quelques motifs ou thèmes récurrents dans l’œuvre de l’écrivain : la quête des origines, les crimes des pères rejaillissant sur les enfants, les figures du Mal, les fausses identités, la foi… Ses thrillers, violents et torturés, ont créé un univers peuplé de peurs primales, de tueurs machiavéliques, de machinations savamment ourdies. Avec son nouveau livre, Jean-Christophe Grangé s’attache à répondre à la question que l’on lui pose fréquemment : « Mais d’où vous viennent des idées pareilles ? » Je suis né du diable, sorti le 16 octobre, s’attache donc à répondre à cette interrogation et éclaire ses inspirations. Si l’écrivain affirme avoir eu une enfance « heureuse, insolemment heureuse même », elle fut néanmoins marquée par l’ombre et l’empreinte d’un père maléfique qu’il a à peine connu puisque, peu après sa naissance et le divorce de ses parents, toute visite et le moindre contact furent interdits par la justice au géniteur.

Jean-Christophe Grangé © Zen Lefort – MYOP / Albin Michel
Ce récit autobiographique, dont le titre annonce clairement le propos, offre toutefois un portrait reconstitué de ce père « diabolique » et de l’enfer qu’il fit subir à la mère de Jean-Christophe Grangé. Il y a au moins deux livres dans Je suis né du diable. Le premier est l’histoire authentique, mais sous une forme romancée, de la rencontre entre sa mère, Michèle, et son père, Jean-Claude, à la fin des années 1950. Elle est issue d’un milieu populaire parisien, lui de la grande bourgeoisie de Saint-Mandé. Rapidement, le coup de foudre et le mariage vont virer au cauchemar. Le second livre est l’autobiographie de Grangé à la lumière notamment de ce traumatisme familial originel.
« Grâce à vous »
De prime abord, Je suis né du diable pourrait s’inscrire dans la veine d’une certaine littérature contemporaine : plainte, complainte, règlements de comptes, narcissisme… Or, par son style direct, hard-boiled, par son refus du pathos, ce texte évite tous les tics et clichés contemporains pour offrir une stupéfiante dissection de l’âme, de l’esprit, du corps, de la psyché, de l’imaginaire de l’écrivain. Pas de joliesse, pas de poses ici. Grangé manie la plume à la façon d’un médecin légiste. Il incise, décortique, tranche, analyse.
Il expose sans fard son rapport à la sexualité, à la dépression, à la psychanalyse, à la psychiatrie, à la foi, à la peur, au succès… On suit le narrateur à travers toutes les étapes de son existence et, comme dans ses romans, le tableau d’une époque s’ébauche. Car en parlant de lui, Jean-Christophe Grangé parle aussi d’autres vies que la sienne. On pense évidemment à sa mère et à sa grand-mère, deux personnages touchants, deux êtres auxquels il doit presque tout. Nulle surprise finalement que Je suis né du diable s’achève par une prière dans un cimetière et par ces simples mots : « Grâce à vous. »
Je suis né du diable • Albin Michel


