On ne revient pas ici sur l’article de présentation de ce 46 e Festival que vous pouvez relire, ni sur les illustrations de l’artiste Mehdi Qotbi auquel Christian Authier a consacré un article sur Culture31.

Elisabeth Leonskaja © Marco Broggreve
Nous allons tout de suite à la clôture car deux soirées nous attendent avec notre pianiste Elizabeth Leonskaja, surnommée « la dernière grande Dame de l’École soviétique ». Depuis son premier récital au Cloître des Jacobins dans le cadre du Festival International de Piano en septembre 1999, la côte d’Elizabeth Leonskaja n’a pas faibli, bien au contraire, dans le cœur de ses “fans“. Régulièrement invitée, elle affiche complet.
Elle va se plonger corps et âme dans Franz Schubert mais pas que, dans du piano à quatre mains ou du solo, avec la monumentale dernière Sonate D. 960, partageant le clavier avec le hongrois Mihály Berecz dans des Danses hongroises de Brahms. C’est pour le mardi 30. La veille, la grande dame du clavier aura fêté son anniversaire en invitant deux de ses amis dans du piano à quatre mains, Pavel Kolesnikov et Samson Tsoy. Pavel et Samson vivent et travaillent ensemble depuis leurs premières années d’études. Leur duo est maintenant international et leurs prestations originales réclamées. Ils jouent Stravinski, Schubert.

Célia Oneto Bensaid © Lyodoh Kaneko
Le festival a déjà accueilli Célia Oneto Bensaid qui revient ce lundi 15 dans un partenariat avec le Palazzetto Bru Zane. Et la curiosité de cette interprète est toujours aussi vive. Voilà un récital qui, construit sur le thème, “XIXè en France“, disons Paris, vous prouvera qu’il n’y a pas alors que Frédéric Chopin qui compose et joue du piano. Un certain George Bizet aussi qui n’a pas écrit que Carmen ou L’Arlésienne, mort hélas bien jeune, mais aussi Valentin Alkan, Stephan Heller, et les Farrenc, Guilmant, Cramer, Field, et autres compositeurs mais surtout redoutables pianistes comme Kalkbrenner, Moscheles…

Elisabeth Brauß © Felix Broede
Mais encore le mardi 16, le piano de la jeune britannique Elisabeth Brauß dans un récital très éclectique allant de Bach Jean-Sébastien en passant par Felix Mendelssohn, Liszt, Brahms pour se terminer par une effervescente Sonate n° 7 de Serge Prokofiev. Et le jeudi 18, là encore un programme qui se termine par une pièce maîtresse, en l’occurrence les Tableaux d’une exposition, après Debussy, Ravel et, tout de même la Sonate n° 3 de Chopin. Au clavier, la japonaise de naissance Momo Kodama, à la carrière internationale et au répertoire impressionnant. Elle s’illustre par exemple dans l’interprétation de l’œuvre d’Olivier Messiaen.

Alexandra Dovgan © Vladimir Volkov
Le mardi 23, Alexandra Dovgan, la toute jeune pianiste, née au sein d’une famille moscovite de musiciens-pianistes sur quatre générations, se chargera de défendre le dicton : la valeur n’attend point le nombre des années. C’est la benjamine de ce Festival. Elle est grandement influencée par un pianiste au sommet, un certain Grigory Sokolov, que le public de la Halle connaît si bien. Lauréate de cinq concours, et pas des moindres, elle a déjà joué dans des salles les plus prestigieuses, faisant un triomphe en récital au Festival de Salzbourg. À juste dix-huit ans, elle est déjà qualifiée de prodige partout où elle se produit. Que des pièces maîtresses qui se succèderont de Beethoven, Sonate n° 17 op. 31 n° 2 “La Tempête“ à Prokofiev Sonate n°2 en ré mineur op. 14 en passant par Chopin et sa Barcarolle et César Frank et son Prélude, Choral et Fugue. Époustouflant programme. Pour nous apaiser, en bis, un choral comme Jésus, que ma joie demeure risque de nous être absolument nécessaire.

Richard Goode © Steve Riskind
Le vendredi 19, c’est le retour du rare pianiste américain Richard Goode sur le sol français dans un programme comme on dit “en béton“ avec ses deux compositeurs fétiches, Beethoven et Schumann. On le qualifie de passionnant car dans l’un comme dans l’autre, il les rend immédiat et si humain. On attend d’être charmé et surpris par les Six Bagatelles, op. 126.
Suivront les dix-huit pièces de caractère constituant les Davidsbündlerttanzen, op. 6, œuvre du compositeur alors jeune Robert Schumann. Seule, l’imagination de Schumann pouvait être à l’origine de la « Ligue de David » – un groupe d’artistes unis dans une lutte révolutionnaire contre les structures arriérées du monde de l’art, auquel il attribuait des membres, vivants ou imaginaires. Schumann publia la première édition de ses « Danses de David » sous les pseudonymes de « Florestan et Eusèbe » – ces deux figures de la Ligue de David en qui il trouvait l’incarnation de sa double nature, à la fois impétueuse et douce. Clara Wieck, dont il sollicita la main à plusieurs reprises lors de la création, était également de la partie ; il lui dédia les danses « plus que tout ». Ces tableaux brefs et d’une grande diversité offrent un aperçu intime de l’univers émotionnel de Schumann à cette époque.

David Kadouch © Marco Borggreve
Le mercredi 24, c’est David Kadouch qui souhaitera nous faire partager quelques raretés car notre toujours jeune pianiste aime surprendre et se plonger allègrement dans des transcriptions et paraphrases diverses mais il peut aller bien au-delà puisqu’il propose dans son récital de nombreuses pièces de son dernier album intitulé “Amours interdites“. En 2022, après un album consacré aux musiques qui auraient pu jalonner la vie d’Emma Bovary, David Kadouch poursuit sa quête littéraire et sensible. Ce sera un florilège de musiques qui ont servi d’exutoire, de refuge en même temps que de confidentes aux créateurs que la société empêchait alors de vivre librement leurs relations homosexuelles.
Si la vie amoureuse de Tchaïkovski ne surprend plus, il est ici à l’honneur, notamment dans un arrangement de Percy Grainger respirant une décadence plutôt talentueuse, c’est plus enfoui pour d’autres, que ce soit Francis Poulenc, ou Reynaldo Hahn et Marcel Proust, Wanda Landowska et Ethel Smyth, Karol Szymanowski et Boris Kochno et autres à découvrir. « Composer de la musique, c’est déposer son âme sur une portée, murmurer ses peurs, raconter les parfums sonores d’une histoire. » David Kadouch.

Jean Baptiste Fonlupt
Le piano de Jean-Baptiste Fonlupt coche absolument toutes les cases. Démonstration sera faite le vendredi 26 dans un programme qui attestera du bien-fondé de ces quelques lignes lues dans le journal Le Devoir : « À quelques reprises par décennie émerge, ici ou là, un artiste dont on ignorait tout et qui s’impose en quelques notes comme un acteur désormais essentiel de notre univers musical (…) Un choc vient de nous être réservé par un pianiste français de 46 ans, Jean-Baptiste Fonlupt. » (Christophe Huss) Ce sera avec la fameuse Chaconne de Bach/Busoni suivie des 10 Préludes de Rachmaninov et pour clore, l’immense Sonate n° 3 de Brahms en fa mineur et ses cinq mouvements.