Qui n’a pas rêvé de lancer sa propre émission ? Certains l’ont fait, à l’image d’ High et fines herbes, l’émission culinaire 100% Marie-Jeanne. Mais ce ne sont pas les seuls: série Netflix, vêtements, café, concept store… Les rappeurs ne se limitent plus à la musique, affichant parfois une dizaine d’entreprises à leur actif. Tour d’horizon.
Quand on parle de musiques actuelles, le rap pèse lourd, très lourd. L’an dernier, il représentait près de 40% du Top 10 des ventes physiques, et quasi 70% du Top 10 en streaming. Le style écrase largement tous les autres et terme d’écoutes, et de nouvelles stars de la scène émergent régulièrement. Mais l’industrie du rap aujourd’hui, ce n’est plus juste du son. C’est aussi de l’entertainment.

Les deux rappeurs Caballero et Jeanjass au Bikini. Photo: Tara Yates
C’est un exemple tout droit venu de Belgique qui nous le montre: Caballero et Jean jass ont, dès 2017, leur propre émission de cuisine façon cofee shop, high et fines herbes.
Avec quasiment 27 millions de vues sur YouTube, toutes saisons confondues ( respectivement 5, 165 millions pour la saison 1/ 1,3 million pour la 2 / 10,1 millions pour la 3/ 6,653 pour la 4 et 3,664 pour la petite dernière, sortie il y a deux mois environ ), l’initiative a largement prouvé l’efficacité des à-côtés musicaux.

Photo: Tara Yates
C’est d’ailleurs lors du tournage de la troisième saison que Romain Moriconi, le réalisateur de l’émission, rejoint l’équipe des deux rappeurs: “ quand j’ai vu l’opportunité de rejoindre l’émission, je l’ai saisi. On a vraiment voulu mettre en place une vraie cohésion entre les épisodes, un peu à la manière des télé-réalités, et ça a pris”.

Crédit: Tara Yates
Mais le tout en gardant du naturel: “dans la saison trois, la discussion entre la mamie, alkapote, et le roi heenok, en fait c’est la grand-mère de Dust ( le fournisseur officiel de l’émission) qui est venue nous rendre visite. C’était une fin de journée, on avait plié les caméras. Mais devant une opportunité comme ça, on a vite tout ressorti. Et la scène a atterri direct dans le montage final”.

Crédit: Tara Yates
Et les deux rappeurs belges ne sont pas les seuls à voir au-delà de la musique . Dans notre sud-ouest, un duo toulousain enchaîne aussi leurs petites entreprises -qui ne connaissent pas la crise- .
Le phénomène business Bigflo & Oli
Il y a quelques mois, Bigflo parlait d’ouvrir un nouveau salon de thé fantasy à la sauce “Harry Potter & Seigneur des Anneaux”, soit deux ans à peine après l’ouverture de leur première boutique visionnaire dans l’hypercentre.

la boutique Visionnaire, 23 rue des Puits Clos. Crédit: Aline Crevon
Les deux frères ont également participé à l’émission The Voice entre deux albums et tournées. Un enchainement possible grâce à l’homme de l’ombre: Philippe Sitbon, leur manager aux mille réseaux . Les Collaborations sont nombreuses: Citroën, Celio, Red Bull, hollywood chewing-gum… De quoi subventionner leur prochaine idée folle.
La plupart des projets annoncés sont d’ailleurs en lien avec la ville rose: Le TFC ( et leur nouveau maillot en collaboration), leur marque de vêtements, mais aussi le Rose Festival. En tout, ils se sont associé ou ont lancé plus de 10 sociétés, selon un article de médiacités.
Au-delà des casquettes multifonctions, les rappeurs apportent aussi une attention toute particulière à leur merchandising: chez Kalash Criminel, Booba, Alpha Wann, Freeze Corleone et consorts, le merch, c’est plus qu’un business parallèle. C’est un levier d’identification massive. Sauvagerie, Unküt, DCNTD, Dondada Athletics, 667… Derrière chaque drop textile, il y a une extension bien rodée de leur univers. Pas juste pour le style : ces sapes deviennent des drapeaux. Une façon pour les fans d’entrer physiquement dans la mythologie de leurs artistes. Le cas du 667 le prouve : depuis que la ligue des ombres a commencé à infuser le rap FR à la fin des années 2010, enfiler un hoodie floqué du crew, c’est devenu plus qu’un geste esthétique. C’est une prise de position, une carte de membre non officielle.
Le rap actuel va au-delà des codes. Ce n’est plus un simple genre musical, c’est un écosystème avec ses vues, des ventes, ses marques. Les artistes ne se contentent plus de sortir des albums : ils sortent des lignes de vêtements, produisent des émissions de cuisine, des boissons, ouvrent des musées… Le micro n’est plus qu’un point de départ.
Cette hybridation tous azimuts brouille les pistes : où finit l’artiste, où commence l’entrepreneur ? Une chose est sûre : le rap ne se rêve plus en marge. Il est devenu la norme. Et tant pis si ça déplaît aux puristes. Les chiffres, eux, parlent leur propre langue.