Dans la chronique « Les albums culte à écouter », Culture 31 fait honneur à un grand album de l’histoire de la musique.
Future Nostalgia de Dua Lipa
Sorti le 27 mars 2020, l’album Future Nostalgia de Dua Lipa fête ses cinq ans. Mêlant disco-pop, synth-funk et voix rauque unique à la chanteuse, il reste inclassable et intemporel. Deuxième opus de l’artiste albanaise et anglaise, il a marqué le confinement et la décennie musicale.
« Vous voulez une chanson intemporelle, je veux rebattre les cartes », lance Dua Lipa dans son introduction osée au disque Future Nostalgia. C’est ce que veut le public et c’est ce qu’il a eu. Un des meilleurs albums de la décennie a transformé les intérieurs, dans lesquels le monde entier était enfermé, en pistes de danse. Perdue depuis avec son troisième album Radical Optimism (2024), dont le succès commercial et critique a été mitigé, la londonienne a précedemment imposé sa patte et a rebattu les cartes. Entre basses groovy et refrains fédérateurs, Future Nostalgia offre un son qui donne envie de bouger, d’hier jusqu’à aujourd’hui et encore demain.

Dua Lila lors du Future Nostalgia Tour © Raph_PH / Wikimédia
Un son qui traverse les époques
Née au Kosovo en 1995, Dua Lipa grandit entre Londres et Pristina après l’indépendance de 2008. Mannequin devenue chanteuse, elle gagne en popularité avec des tubes comme New Rules (2017) ou One Kiss avec le DJ écossais Calvin Harris (2018). Elle sort Future Nostalgia en 2020. Ayant fuité sur les réseaux sociaux, il débarque en urgence le 27 mars, en plein enfermement du monde humain.
Don’t Start Now, le premier single, donne le ton avec ses cordes disco à la Bee Gees et une basse stabilisante et prenante. Les paroles « Don’t show up, don’t come out » de la chanson, ou « Ne te montre pas, ne sors pas » en anglais, résonnent avec le confinement, par lequel le succès de l’album s’est pérennisé. Levitating, inspiré des légendaires de Jamiroquai, brille par son groove funk space-disco et un breakdown hip-hop inattendu. Physical revisite la regrettée Olivia Newton-John en synth-pop des années 1980 : un hymne sensuel pour les clubs fermés. Prince influence le titre éponyme Future Nostalgia, avec son bridge Minneapolis Sound des périodes Dirty Mind ou Controversy. Acclamé et multi-récompensé (par un Grammy Award pour le meilleur album pop en 2021 notamment), ce disque défie les critiques qui pointaient du doigt son manque de personnalité.
Une voix qui s’affirme
La mezzo-soprano à la voix soul, moquée en 2018 pour une danse virale exécutée comme si elle se transformait en tailleur de crayons électrique, se réinvente ici. Break My Heart, single qui sample les australiens d’INXS (Need You Tonight), joue sur la peur d’aimer éperdument après la rupture. Cool glisse dans une pop midtempo mélancholique, son instrumental vocal grave contrastant avec les synthés aigus. Good In Bed, inspiré de Lily Allen (Smile, Littlest Things) rit d’un amour toxique par des blagues crues (« On ne sait pas se parler mais on sait b***** »). Boys Will Be Boys, la ballade résolument féministe portée par des chœurs de filles et de majestueux violons, dénonce les violences quotidiennes que le genre féminin subit.

Dua Lipa en concert à Glastonbury © Raph_PH / Wikimédia Commons
Stuart Price (producteur de Madonna) et Ian Kirkpatrick (producteur de Sabrina Carpenter) signent une production cohérente et multidimensionnelle. Love Again mixe violons et sample du crooner Bing Crosby (My Woman) pour une ambiance dance-country élégante et rassembleuse. L’ auteure-interprète ose plus vocalement dans Hallucinate en allant chercher une voix de poitrine jaillissant avec force. Pretty Please joue dans la cour du minimalisme.
Cinq ans après, ce disque dépasse les clivages générationnels. Il restera un symbole de l’année folle que 2020 a été, à bien des égards. Future Nostalgia respire encore, pour reprendre les mots de Clara Luciani, la danse ou le rêve d’un roller disco scintillant de lumières d’une boule à facettes. Un album culte à écouter, sans nul doute ni compromis.